www.stylo-plume.org

Ayant tout récemment seulement découvert les encres grises, je me demandais quels étaient vos impressions à leur sujet. Lesquelles utilisez-vous, que dire d'elles, les utilisez-vous régulièrement ou seulement une fois par-ci par-là ?

Les deux seules que je connaissent et avec lesquelles je n'ai aucun recul sont les deux Iroshizuku Kiri-same et Fuyu-syogun, respectivement gris plutôt chaud et gris-bleuté froid qui se complètent et s'accordent parfaitement. Je suis après quelques pages d'écriture fondu de la Kiri-same. Gris moyen, couleur de brouillard, sensation de marche dans la brume, si elle donne l'impression d'envelopper, ce n'est cependant pas une encre vaporeuse, elle a de l'énergie. Réminiscences de métal qui lui ôtent toute mollesse, belle transparence avec de jolies variations de ton. Légère mais bien lisible. Rien à voir, pour anticiper les questions, avec une encre noire fadasse et grisouille ni avec une encre aqueuse à peine discernable, c'est une vraie couleur. Bref, une encre très classe, un petit bonheur et une belle découverte. Elle me fait sans cesse penser à Miyazaki dont je suis amoureux des films : comme si on entrait dans un autre monde.

Je me rends cependant compte que la lecture est un peu plus difficile qu'avec une encre très contrastée, il faut parfois revenir sur la page pour que les mots pénètrent bien dans le cerveau. Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez : le gris est-il une couleur anecdotique ou est-ce à votre avis une couleur pleinement utilisable en correspondance ?

Jimmy

ma première (et rapide) expérience en encre grise a été Gris nuage d'Herbin. J'étais enthousiaste à l'idée d'utiliser ce ton subtil ... mais il l'était tellement que je n'y voyais pas grand chose. L'encre grise demande, à mon sens , une petite recherche sur les plumes adéquates. Fuyu-syogun se plaît assez en ce moment dans un petit Esterbrook à plume fine et rigide. Elle y est assez marquée , un peu froide et étrange dans ses reflets bleutés. Kiri-same me fait le coup du soir de tempête métallique dans mon Pelikan 100 ... Brrrrr ... ...Très Sturm und Drang.

Entièrement d'accord, il faut chercher les plumes qui s'accordent bien avec les gris. Ca m'occupe bien depuis quelques heures que j'ai ces deux gris !

En reprenant la page d'essai des gris Iroshizuku >> , je me disais combien il devait être reposant de n'utiliser qu'une palette de quelques gris et de quelques noirs dans lesquels on devinerait toutes les autres nuances de couleur.

En utilisant parcimonieusement au milieu des autres une plume-pinceau comme la très belle Concord de Sailor, on ne devrait pas s'ennuyer une seconde !

Jimmy

Je n'ai que deux gris, l'encre Kiri Same de Pilot, un gris brume intense, et l'encre grise d'Omas, un gris souris lumineux, mais les sensations sont très différentes et se complètent.

Autant, l'une, la Kiri Same, est dense et présente, autant l'autre, l'Omas, est vaporeuse et transparente, mais attention, ce ne sont ni l'une ni l'autre des encres neutres, banales et accessoires.

Me concernant, ce sont des encres qui me demandent beaucoup d'énergie intérieure, je veux dire par là que ce ne sont pas des encres faciles, leur lisibilité n'est pas aussi forte qu'un noir, un bleu, un sepia ou un violet classique, évidemment, ce sont des encres véritablement aériennes qu'il est difficile d'apprivoiser parce qu'assez déroutantes et subtiles, ce ne sont pas de simples noirs délayés avec un peu d'eau pour être clairs (ouh le mauvais jeu de mots !).

Ecrire avec la Kiri Same, par exemple, est un plaisir délicat que rencontrera celui qui recherche une encre toute en nuances sans oser la couleur.

Pour tout vous dire, j'envisage le remplissage de mon stylo avec la Kiri Same comme un cérémonial, je choisis un stylo sans dorure ou fioriture, fonctionnel, facile d'usage, le moins ostentatoire possible et je m'imagine comme un Samouraï qui prépare son sabre avant son dernier combat, ou bien comme Jonathan Pryce dans l'extraordinaire film de Terry Gilliam "Brazil", bravant un monde noyé dans les procédures administratives.

Mes stylos de prédilection pour ces encres sont ainsi mon Dialog 3 de Lamy, mon Myu de Pilot, mon Defi de S.T.Dupont et mon tout récent Etruria Gaudi de Stipula.

Pour finir, et notamment pour en finir avec les images cinématographiques, je rajouterais quelques mots en me rappelant des sensations étranges perçues lors du visionnage du film "Pleasantville", un film en noir et blanc ainsi qu'en couleurs que je vous recommande chaleureusement.

En effet, non seulement ces encres se suffisent à elles-mêmes mais elles permettent en plus de redécouvrir plus intensément ensuite les chaudes ou froides couleurs d'encres que nous avons faîtes nôtres.

Nic las

Je voulais justement redire quelques mots sur Kiri-same, la jolie manière dont tu en parles, Nicolas, m'en fournit l'occasion.

De toutes les Iroshizuku, c'est celle que je préfère. C'est également à présent une de mes préférées toutes encres confondues. Je l'ai immédiatement aimée, cette attirance n'a fait ensuite que monter en puissance. J'en ai à présent trois stylos remplis : le Pilot 74 transparent et argent à plume M, dans lequel elle a remplacé la Syo-ro. Le Myu 701 original à pointe fine, avec lequel l'association tient du miracle, tant pour le mariage avec l'acier que pour la délicatesse de l'écriture elle-même. Et un autre stylo en argent japonais, le Pilot Silver Grues. Cette encre qui rappelle d'entrée le métal est parfaite avec ces trois stylos avec lesquelles elle a un rendu plus ou moins dense, avec un caractère un peu différent : moelleuse et subtile avec le 74, précise et aérienne avec le Myu, décidée et plus foncée avec le Silver. Pur hasard, trois Pilot : en général, les Iroshizuku leur conviennent particulièrement bien. Elle doit effectivement bien aller avec ton Défi.

Kiri-same est un gris légèrement chaud extrêmement lumineux. Si on parle de brume, ce serait la brume d'un matin de soleil quand on est aveuglé par la diffusion du soleil qu'on sent tout près sous les nappes qui vont se lever. Cette sensation de luminosité est quelque chose d'unique. La couleur est très présente dans cette absence de couleur, le rouge d'abord, même s'il est imperceptible. Ce n'est pas, comme le dit Nicolas, un noir délavé, c'est une vraie couleur, qui donnerait presque envie de n'écrire qu'avec elle. Une couleur dont on aurait un peu l'impression qu'elle pourrait disparaître aussi vite qu'elle est apparue sur le papier, dans laquelle on aurait envie de se perdre et de s'abandonner. Nicolas parle très bien du gris et de la couleur.

Toutes les encres s'attirent ou se repoussent bien sûr, il est assez amusant de voir comment l'attraction fonctionne fortement avec celle-ci, avec les rouges et celles qui contiennent du rouge d'abord. Même séparées par d'autres sur une page, ces couleurs se parlent de loin.

C'est une encre très transparente. Je suis de plus en plus porté sur les encres légères et sur la transparence. Elle se comporte un peu comme une autre que j'aime sous la plume, l'Inti : si elle donne une sensation aqueuse, cette sensation n'est pas désagréable comme je le ressens avec d'autres encres. Elle ne s'étale pas, elle garde du corps, il y a une minuscule volupté toute particulière à la sentir couler immédiatement sous la pointe et à voir la couleur se former sur le papier. Et puis il y a une autre chose qui me plaît bien chez elle : c'est une encre franche en couleur. Je suis un peu fatigué en ce moment des encres "indéfinissables" et compliquées. Celle-ci est franche et subtile, elle va bien à l'état d'esprit du moment.

Etant peu contrastée, elle est évidemment un peu moins lisible que d'autres. On ne peut pas l'utiliser facilement pour n'importe quel usage. Elle va demander un peu plus d'efforts à qui lit. Mais en même temps, le plaisir, c'est de ne rien imposer avec une couleur parfois très typée, sans que l'usage de ce gris ne fasse perdre de caractère à ce qui est écrit. Il n'y a aucune mièvrerie dans ce gris.

Jimmy

j'aime beaucoup ces idées d'encres qui demandent beaucoup "d'énergie intérieure" comme le dit joliment Nicolas ou encore l'idée des encres qui s'appellent , se répondent ... dialoguent à distance . On peut par exemple utiliser une encre et en "voir" une autre en dessous , d'une famille de couleur tout à fait différente (l'Umber de Diamine me renvoie par exemple à Poudre d'Iris de Patrick Arabian , par son côté un peu éteint , fâné ... J'écris en vert et je vois un violet , comme une harmonique tout à fait personnelle ).

Des harmoniques, c'est ça... J'avais un stylo avec lequel on entendait - vraiment - les harmoniques de la plume. On l'entendait chanter et vibrer sur la feuille de papier. Le mot s'applique bien aux encres, il en est qui continuent à vibrer, à faire entendre d'autres choses.

Je pense encore à Kiri-same et au Myu avec lequel elle va si bien. Encre de saison, fils de la Vierge et toiles d'araignée. Elle rend encore plus aérienne la délicate, douce et très fine plume en acier du Myu. Une si parfaite légèreté... Il est des ententes rares. C'est pour d'infimes et ordinaires moments comme ceux-là qu'on aime écrire à la plume.

Jimmy

Je me permets de ressortir ce post sur les encres grises.
Un post récent de Dunhill sur la Namiki noire avait dévié sur les encres grises.
Pour ne pas que Leibniz ne vire à l'orange ( ) je ressors celui-là qui a d'ailleurs fort bien débuté.
Je crois que j'ai trouvé une utilisation de la Kiri-Same : celle de l'ornementation des écritures telle que nous pouvons la trouver au XIX è siècle, comme dans la photo ci-dessous



Je trouve cette façon d'enrober une écriture lisible tout à fait remarquable. Évidemment, ce n'est pas à faire dans l'écriture de tous les jours, bien qu'il m'arrive très souvent d'enrober le "Paracétamol per os : 1 dose 10 kg x 4 / j" de quelques jambages qui dépassent de très loin la ligne autorisée.

J'ai essayé les plumes fines spéciales pour la calligraphie. Mais,les résultats ne sont pas probants. Il faut que j'essaye les Copperplate à l'angle improbable de 55°. Mais comme je voulais essayer avec un stylo de tous les jours, j'ai ressorti un Conway Stewart que je n'aimais pas. Mael l'a essayé lors de notre rencontre parisienne de juin et était du même avis que moi : la plume n'allait pas.
Et bien, je peux vous dire que cette plume va parfaitement à ce style d'écriture.
La Kiri-Same ajoute une note de feuille manuscrite vieillie absolument géniale.
Je sais ce que vous allez dire : un scan, un scan !!!
Il viendra en sont temps. J'ai fait des essais sur l'arrière d'une enveloppe dont le papier était en fait idéal. J'ai passé la soirée à poursuivre sur un cahier qui aurait été fait pour les exercices quotidiens Rien n'y fait. C'etait l'enveloppe qui était parfaite.
Je crois donc que je vais m'entraîner et me délasser à faire des ronds à la pelle sur du papier.

J'ai donc une question : connaissez vous les encres Diamine grises et auriez-vous fait des comparaisons entre les différents gris des différentes marques ? Ce n'est pas que les Iroshizuku soient chères ( ) mais quand même ...

Avec mes remerciements.

La Kiri Same s'apprivoise. Elle s'épanouit sur un certain papier, sur une certaine plume et se refuse sur d'autres.
Je l'ai crue inutilisable dans mes Crest, tant elle était claire au départ. Chose curieuse, en laissant le stylo s'en imprégner quelques jours, elle se révèle plus sombre et chatoyante.
Elle est subtile, d'autres diront capricieuse. Elle est ma préférée.
***
Quant à la Diamine Grey, Loucques devrait pouvoir te répondre. Si j'ai bonne mémoire, il l'utilise fréquemment. Grand Loucques, es-tu là ?

Oh oui ! Maître Louques ... instruis-moi

jva a écrit :Oh oui ! Maître Louques ... instruis-moi

Quelques images valent mieux qu'un long discours.
Mais sans scanner à disposition, elles sont simplement prises sur mon bureau à l'éclairage halogène d'une lampe (de bureau, off course) et tripotée ultérieurement via iPhoto (Mac). Donc, je ne sais si tu pourras bien distinguer les nuances. Diamine grey est très agréable et fluide mais plus "cendrée" que Kiri Same qui est plus diaphane et plus soyeuse.
Je dirais que Diamine Grey est plus variable dans la densité de gris suivant l'appui sur la plume, au démarrage ou lorsque tu viens d'encrer ton stylo tandis que Kiri Same se montre plus constante et égale dans sa nuance tout au long de l'écriture. Avec le Sapporo Kiri Same était extrêmement sensuelle à l'écriture, une sorte de ruban de velours qui se déroule au long des lignes.
Curieusement, le Platinum Music se montre très coopérant avec la Diamine grey mais se montre rétif à Kiri Same dont le débit s'assèche rapidement.
Sapporo et sa Music, bien sûr, se montre adorable avec les deux encres comme avec toutes les encres d'ailleurs. Son débit bien gras et sa plume écrasée font merveille.
Je dois encore essayer l'une et l'autre avec mon Sheaffer Crest LO.

1, 2 et 3 Platinum Music/Diamine grey







4, 5, 6, 7 : Sapporo Music/Diamine grey









8, 9, 10 : Sapporo Music/Kiri Same (échantillon obligeamment fourni par AD71)







Ouais, enfin, bon, bref, c'est pas vraiment visible, mais tu peux me croire sur parole.

Maître Loucques a bien oeuvré !
D'après ses photos, la Diamine Grey me paraît en effet légèrement plus soutenue et plus uniforme, et la Kiri Same plus nuancée. J'aime bien l'image "ruban de velours" qui correspond bien aux Iroshizuku.
Reste, jva, à nous montrer ce que tu peux tirer de la Kiri Same sous tes plumes !
Cordialement.

Merci à vous deux !
Bravo Loucques pour tes photos TRES explicites.

Je n'ai pas le choix: il va me falloir aussi de la Diamine .... pffff ... quelle vie !!!

La différence entre Diamine et Kiri Same est plus visible sur les échantillons photo Sapporo 4,5,6,7,8,9,10. Si je ne m'abuse, tu as récemment acquis un Pelikan OB ou OBB ? Dès lors, la Diamine Grey devrait "majestueusement" donner avec cette plume, dirais-je. Un gris très fort, très cendré, un peu comme un patient qui se présenterait à la consultation en ayant trop fumé.

AD71 a écrit : Reste, jva, à nous montrer ce que tu peux tirer de la Kiri Same sous tes plumes !
Cordialement.

et j'ajoute : "et de la Diamine Grey"...

Je me permets de reprendre la question de départ qui portait sur les encres grises en général.

Pour ma part, j'écris tous les jours en gris, je travaille en gris. C'est une couleur d'encre que j'affectionne particulièrement. Le gris, c'est sobre et classe. C'est aussi une couleur à part entière, cela a déjà été dit et c'est vrai. J'ai compris cet été pourquoi j'aime écrire en gris : j'ai revu le ciel breton ! Le ciel breton est particulièrement changeant, on peut même dire mobile. Quand il est nuageux (ça arrive...), il déploie toute une palette de gris tout en dispensant une lumière intense et dramatique. On comprend alors que le gris n'est pas terne (sauf le mauvais gris, évidemment...).

Moi aussi l'enre grise est ma favorite même si je n'en est qu'une pour le moment, elle aura doit a son poste en temps voulu. Pour moi l'encre grise représente le ciel intensement gris en hiver quand la neige tombent ou bien comme il est dit dans le précedent message le ciel breton, cela me fais rêver, moi vivant dans un phare près des côtes bretonnes isolé par une violente tempête, le bruit des vagues venant ébranler la batisse jusque dans les fondations. Un bon feu dans la cheminée et moi tout a côté fumant ma pipe assie à mon bureau en train de travailler sur mon livre et de vous écrire en même temps. Voilà a quoi cette couleur me fait penser quand j'écris avec.

J'utilise assez souvent la Kiri Same que je trouve très agréable, rendant l'utilisation de la plume facile et glissante.
Pour annoter un texte, ou le corriger, écrit avec une encre noire noire ou bleu sombre, la Kiri Same montre toute sa puissance.

Par contre, j'ai remarqué que de toutes mes encres, c'est celle qui a tendance à le plus traverser le papier, quelle que soit la qualité, y compris en utilisation avec une plume fine. Même la Yama Guri n'a pas le même comportement. Avez-vous observé ce phénomène ?

Dunhill a écrit :Moi aussi l'enre grise est ma favorite même si je n'en est qu'une pour le moment, elle aura doit a son poste en temps voulu. Pour moi l'encre grise représente le ciel intensement gris en hiver quand la neige tombent ou bien comme il est dit dans le précedent message le ciel breton, cela me fais rêver, moi vivant dans un phare près des côtes bretonnes isolé par une violente tempête, le bruit des vagues venant ébranler la batisse jusque dans les fondations. Un bon feu dans la cheminée et moi tout a côté fumant ma pipe assie à mon bureau en train de travailler sur mon livre et de vous écrire en même temps. Voilà a quoi cette couleur me fait penser quand j'écris avec.

Entre le livre à l'encre grise, les réponses au forum, une lecture : 'les Déferlantes" de Claudie Gallay devrait bien te plaire. Une histoire de phare...

Merci AD71 pour ce titre de livre à lire, il est partie rejoindre ma longue liste de livre que je doit lire, déjas une vingtaine en attente.