MB 149, il y a comme un Defoe !
Posté : 08 oct. 2020 14:45
Petit billet d'humeur...
Le brave postier arrive d'une minute à l'autre, je n'y tiens plus.
Nous sommes Vendredi, il est midi quinze et la sonnerie que j'espérais tant me fait sursauter.
-Bonjour monsieur ! J'ai un colis pour vous !
Victorinox en main, je découpe précautionneusement la bande adhésive, pour ne pas abîmer la grosse boîte blanche soigneusement calée dans le carton d'emballage.
Je ne m'attarde pas trop sur l'écrin, c'est mon Montblanc 149 que je veux voir ! La belle version platinée, la plus chère aussi...
Voilà le précieux. Le vendeur qui me l'a expédié venait juste de le recevoir. Personne ne l'a touché depuis qu'il est parti de l'usine. C'est beau !
Je l'aime déjà ce stylo, il brille de 1000 feux !
Il faudra que je lui trouve un petit nom.
Vient l'heure du premier remplissage, j'actionne deux ou trois fois le piston, la plume trempée dans un verre d'eau pour enlever d'improbables impuretés. Bizarrement, le piston circule un peu difficilement par petits à-coups.
L'eau lubrifie mal le piston et le plein avec de l'encre résoudra le problème c'est sûr...
Le flacon de Mystery Black est prêt, le stylo bien essuyé de son eau.
J'actionne donc le piston qui monte encore par petites saccades, c'est d'habitude une opération agréable avec mes Pelikan. Ici j'ai plutôt l'impression d'infliger une torture à mon beau stylo.
Le plein est fait !
Ah ben non, quand je regarde par la petite fenêtre, plume en l'air, je vois bien que c'est loin d'être rempli. J'ai dû faire entrer un peu d'air ... l'émotion sans doute.
Je recommence donc l'opération deux fois, trois fois, rien n'y fait. Pas moyen de faire le plein complet, bizarre.
Et voilà les premières lignes.
L'oiseau prend son vol, de sa belle plume !
Enfin, pas tout à fait, il y a quelques manques au démarrage.
a remière hrase st n eu ronquée
Je veux dire " Ma première phrase est un peu tronquée !"
Il faut que ça se rode, c'est neuf.
Et là, je suis un peu déstabilisé. La plume glisse trop et freine parfois brusquement en frottant sur la feuille. Mes lettres sont un peu déformées, irrégulières.
ça va se faire, c'est neuf !
Trois jours passent avec des pages et des pages d'écriture, un peu hésitante, avec toujours quelques lettres qui anquent par ci ar là.
Le mardi soir, je me rends à ma boutique de stylos préférée. Ils sont adorables, même si cette fois-ci le stylo ne vient pas de chez eux.
J'attends sagement mon tour et présente mon 149 sur le comptoir.
-Ah ? Vous avez encore fait des infidélités à Pelikan ?
-Oui, depuis "l'Heritage 1912" que j'ai pris chez vous, je m'intéresse un peu à la marque. J'ai quelques question à vous poser. J'ai l'impression que le piston coince un peu, vous pouvez essayer, j'ai vidé le stylo.
"Couic couic clac clac clac (bruit du piston qui saccade)"
- Non, c'est "normal". C'est ajusté un peu serré lors de la fabrication pour éviter les fuites.
Et là, rêveur, j'imagine le vieil homme courbé sur son établi. Son beau métier est aléseur de corps de Montblanc 149.
Il a bien conscience que son alésoir est un peu usé et que le diamètre est un peu juste pour le piston. Mais nous sommes Vendredi et il le remplacera lundi matin sans faute ! Le vieil homme pense déjà à la liste des courses qu'il doit aller faire avec Maman, après la sortie de l'usine. C'est sûrement ce corps de stylo que j'ai entre les mains !
C'est beau.
La douce voix de la vendeuse me tire de mes songes.
-Vous aviez une autre question ?
-Euh oui, je trouve que ça n'écrit pas très bien.
La plume est aussitôt trempée dans de l'encre bleue.
La vendeuse griffonne "c'est normal".
- Rien d'anormal ?
-Non, c'est "normal", c'est écrit.
Vous savez, ces plumes sont faites à la main ! C'est d'ailleurs votre main qui se fera à la plume !
C'est Montblanc !
-Bon, j'aurais préféré que ce soit la plume qui se fasse à ma main, comme chez Pelikan... c'est plus simple.
Mais si ma main se fait à ce 149, je ne pourrai plus écrire avec mes Pelikan, c'est embêtant. (Rires)
C'est le lot des plumes faites à la main, elles sont toutes uniques.
C'est beau.
De nouveau, je me prends à rêver et j'imagine cette belle blondinette en train de polir soigneusement les plumes qui tombent régulièrement dans un panier à coté d'elle.
Nous sommes un vendredi et elle pense qu'il faut aller chercher les moufflets chez Papy et Mamie.
La plume qui est entre ses mains est restée un peu trop longtemps sous le tampon de la polisseuse. C'est celle qui sera assemblée sur mon 149 chéri !
C'est beau.
Je sors apaisé de la boutique avec mon beau et unique 149 soigneusement rangé dans son étui.
Les jours ont passé. Le stylo démarre mieux. J'arrive à avoir des phrases complètes, sans un seul manque.
Le trait s'est épaissi, un peu trop pour mon écriture.
Je me souviens de ce que m'a dit la vendeuse. C'est ma main qui se fera à la plume.
De fait je me force à écrire plus gros pour harmoniser le trait à mon écriture.
Les lettres sont un peu déformées à cause de la glisse que je trouve un peu trop excessive, mais c'est "normal", il faut que je me fasse au stylo.
Chez Montblanc, l'excellence c'est "normal".
Au fait ! j'ai trouvé son petit nom à mon beau stylo.
Il s'appellera Vendredi !
Il y a comme un Defoe.
Le brave postier arrive d'une minute à l'autre, je n'y tiens plus.
Nous sommes Vendredi, il est midi quinze et la sonnerie que j'espérais tant me fait sursauter.
-Bonjour monsieur ! J'ai un colis pour vous !
Victorinox en main, je découpe précautionneusement la bande adhésive, pour ne pas abîmer la grosse boîte blanche soigneusement calée dans le carton d'emballage.
Je ne m'attarde pas trop sur l'écrin, c'est mon Montblanc 149 que je veux voir ! La belle version platinée, la plus chère aussi...
Voilà le précieux. Le vendeur qui me l'a expédié venait juste de le recevoir. Personne ne l'a touché depuis qu'il est parti de l'usine. C'est beau !
Je l'aime déjà ce stylo, il brille de 1000 feux !
Il faudra que je lui trouve un petit nom.
Vient l'heure du premier remplissage, j'actionne deux ou trois fois le piston, la plume trempée dans un verre d'eau pour enlever d'improbables impuretés. Bizarrement, le piston circule un peu difficilement par petits à-coups.
L'eau lubrifie mal le piston et le plein avec de l'encre résoudra le problème c'est sûr...
Le flacon de Mystery Black est prêt, le stylo bien essuyé de son eau.
J'actionne donc le piston qui monte encore par petites saccades, c'est d'habitude une opération agréable avec mes Pelikan. Ici j'ai plutôt l'impression d'infliger une torture à mon beau stylo.
Le plein est fait !
Ah ben non, quand je regarde par la petite fenêtre, plume en l'air, je vois bien que c'est loin d'être rempli. J'ai dû faire entrer un peu d'air ... l'émotion sans doute.
Je recommence donc l'opération deux fois, trois fois, rien n'y fait. Pas moyen de faire le plein complet, bizarre.
Et voilà les premières lignes.
L'oiseau prend son vol, de sa belle plume !
Enfin, pas tout à fait, il y a quelques manques au démarrage.
a remière hrase st n eu ronquée
Je veux dire " Ma première phrase est un peu tronquée !"
Il faut que ça se rode, c'est neuf.
Et là, je suis un peu déstabilisé. La plume glisse trop et freine parfois brusquement en frottant sur la feuille. Mes lettres sont un peu déformées, irrégulières.
ça va se faire, c'est neuf !
Trois jours passent avec des pages et des pages d'écriture, un peu hésitante, avec toujours quelques lettres qui anquent par ci ar là.
Le mardi soir, je me rends à ma boutique de stylos préférée. Ils sont adorables, même si cette fois-ci le stylo ne vient pas de chez eux.
J'attends sagement mon tour et présente mon 149 sur le comptoir.
-Ah ? Vous avez encore fait des infidélités à Pelikan ?
-Oui, depuis "l'Heritage 1912" que j'ai pris chez vous, je m'intéresse un peu à la marque. J'ai quelques question à vous poser. J'ai l'impression que le piston coince un peu, vous pouvez essayer, j'ai vidé le stylo.
"Couic couic clac clac clac (bruit du piston qui saccade)"
- Non, c'est "normal". C'est ajusté un peu serré lors de la fabrication pour éviter les fuites.
Et là, rêveur, j'imagine le vieil homme courbé sur son établi. Son beau métier est aléseur de corps de Montblanc 149.
Il a bien conscience que son alésoir est un peu usé et que le diamètre est un peu juste pour le piston. Mais nous sommes Vendredi et il le remplacera lundi matin sans faute ! Le vieil homme pense déjà à la liste des courses qu'il doit aller faire avec Maman, après la sortie de l'usine. C'est sûrement ce corps de stylo que j'ai entre les mains !
C'est beau.
La douce voix de la vendeuse me tire de mes songes.
-Vous aviez une autre question ?
-Euh oui, je trouve que ça n'écrit pas très bien.
La plume est aussitôt trempée dans de l'encre bleue.
La vendeuse griffonne "c'est normal".
- Rien d'anormal ?
-Non, c'est "normal", c'est écrit.
Vous savez, ces plumes sont faites à la main ! C'est d'ailleurs votre main qui se fera à la plume !
C'est Montblanc !
-Bon, j'aurais préféré que ce soit la plume qui se fasse à ma main, comme chez Pelikan... c'est plus simple.
Mais si ma main se fait à ce 149, je ne pourrai plus écrire avec mes Pelikan, c'est embêtant. (Rires)
C'est le lot des plumes faites à la main, elles sont toutes uniques.
C'est beau.
De nouveau, je me prends à rêver et j'imagine cette belle blondinette en train de polir soigneusement les plumes qui tombent régulièrement dans un panier à coté d'elle.
Nous sommes un vendredi et elle pense qu'il faut aller chercher les moufflets chez Papy et Mamie.
La plume qui est entre ses mains est restée un peu trop longtemps sous le tampon de la polisseuse. C'est celle qui sera assemblée sur mon 149 chéri !
C'est beau.
Je sors apaisé de la boutique avec mon beau et unique 149 soigneusement rangé dans son étui.
Les jours ont passé. Le stylo démarre mieux. J'arrive à avoir des phrases complètes, sans un seul manque.
Le trait s'est épaissi, un peu trop pour mon écriture.
Je me souviens de ce que m'a dit la vendeuse. C'est ma main qui se fera à la plume.
De fait je me force à écrire plus gros pour harmoniser le trait à mon écriture.
Les lettres sont un peu déformées à cause de la glisse que je trouve un peu trop excessive, mais c'est "normal", il faut que je me fasse au stylo.
Chez Montblanc, l'excellence c'est "normal".
Au fait ! j'ai trouvé son petit nom à mon beau stylo.
Il s'appellera Vendredi !
Il y a comme un Defoe.