SDD du 18 octobre 2015: vous allez transpirer comme jamais
Posté : 18 oct. 2015 08:33
Bonjour,
Ce SDD va se faire en deux temps. Si vous souhaitez y participer, il est vraiment préférable que vous fassiez la première partie avant mardi soir minuit sonnante.
Voici les indications pour commencer:
1) Préparez votre plus beau stylo, et votre plus belle écriture
2) Sortez votre meilleur papier
3) Encrez le stylo avec votre plus belle encre, égouttez, faites chauffer vos neurones
4) Tenez le dans votre main habituelle
5) Changez de main le stylo
6) Sans entraînement, recopiez entre 5-10 lignes l'un des 4 extraits au bas de ce post.
7) Postez vos extraits (idéalement un scan).
8) Attendez la deuxième partie, elles seront données entre mardi soir/mercredi matin
Extrait n.1:
"C'est vrai, t'as raison en somme, que j'ai convenu, conciliant, mais enfin on est tous assis sur une grande galère, on rame tous à tour de bras, tu peux pas venir me dire le contraire !... Assis sur des clous même à tirer tout nous autres ! Et qu'est-ce qu'on en a ? Rien ! Des coups de trique seulement, des misères, des bobards et puis des vacheries encore. On travaille ! qu'ils disent. C'est ça encore qu'est plus infect que tout le reste, leur travail. On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignoles et puis voilà ! En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres et qui s'en font pas, avec des belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux. On nous fait monter sur le pont. Alors, ils mettent leurs chapeaux haut de forme et puis ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça : " Bandes de charognes, c'est la guerre ! qu'ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2, et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu'il faut à bord ! Tous en choeur ! Gueulez voir d'abord un bon coup et que ça tremble : " Vive la Patrie n° 1 ! " Qu'on vous entende de loin ! Celui qui gueulera le plus fort, il aura la médaille et la dragée du bon Jésus ! Nom de Dieu ! Et puis ceux qui ne voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre où c'est fait bien plus vite encore qu'ici ! "
(Voyage au Bout de la Nuit, Céline, 1932)
Extrait n.2:
LES FEMMES ET LE SECRET
Rien ne peſe tant qu’un ſecret :
Le porter loin eſt difficile aux Dames :
Et je ſçais meſme ſur ce fait
Bon nombre d’hommes qui ſont femmes.
Pour éprouver la ſienne un mari s’écria
La nuit eſtant prés d’elle : ô dieux ! qu’eſt-ce cela ?
Je n’en puis plus ; on me déchire ;
Quoy j’accouche d’un œuf ! d’un œuf ? oüy, le voila
Frais & nouveau pondu : gardez bien de le dire :
On m’appelleroit poule. Enfin n’en parlez pas.
La femme neuve ſur ce cas,
Ainſi que ſur mainte autre affaire,
Crut la choſe, & promit ſes grands dieux de ſe taire.
Mais ce ſerment s’évanoüit
Avec les ombres de la nuit.
L’épouſe indiſcrete & peu fine,
Sort du lit quand le jour fut à peine levé :
Et de courir chez ſa voiſine.
Ma commere, dit-elle, un cas eſt arrivé :
N’en dites rien ſur tout, car vous me feriez battre.
Mon mary vient de pondre un œuf gros comme quatre.
Au nom de Dieu gardez vous bien
D’aller publier ce myſtere.
Vous moquez-vous ? dit l’autre : Ah, vous ne ſçavez guere
Quelle je ſuis. Allez, ne craignez rien.
La femme du pondeur s’en retourne chez elle.
L’autre grille déja de conter la nouvelle :
Elle va la répandre en plus de dix endroits.
Au lieu d’un œuf elle en dit trois.
Ce n’eſt pas encor tout, car une autre commere
En dit quatre, & raconte à l’oreille le fait,
Precaution peu neceſſaire,
Car ce n’eſtoit plus un ſecret.
Comme le nombre d’œufs, grace à la renommée,
De bouche en bouche alloit croiſſant,
Avant la fin de la journée
Ils ſe montoient à plus d’un cent.
(Jean de la Fontaine, Fables, livre huitième, 1668-1694)
Extrait n.3:
« Blobel mit fin à l'Aktion quelques jours après le Nouvel An. On avait gardé plusieurs milliers de Juifs au KhTZ pour des travaux de force dans la ville; ils seraient fusillés plus tard. Nous venions d'apprendre que Blobel allait être remplacé. Lui-même le savait depuis des semaines, mais n'en avait rien dit. Il était d'ailleurs grand temps qu'il parte. Depuis son arrivée à Kharkov, il était devenu une loque nerveuse, en aussi mauvais état, presque, qu'à Lutsk : un moment, il nous réunissait pour s'extasier sur les derniers totaux cumulés du Sonderkommando, le suivant, il s'époumonait de rage, incohérent, pour une bêtise, une remarque de travers.
Un jour, début janvier, j'entrai dans son bureau pour lui porter un rapport de Woytinek. Sans me saluer, il me lança une feuille de papier «Regardez-moi cette merde.» Il était ivre, blanc de colère. Je pris la feuille : c'était un ordre du General von Manstein, le commandant de la 11e armée, en Crimée. « C'est votre patron Ohlendorf qui m'a transmis ça. Lisez, lisez. Vous voyez, là, en bas? Il est déshonorant que les officiers soient présents aux exécutions des Juifs. Déshonorant! Les enculés. Comme si ce qu'ils faisaient était honorable.., comme s'ils traitaient leurs prisonniers avec honneur!... J'ai fait la Grande Guerre, moi. Pendant la Grande Guerre on s'occupait des prisonniers, on les nourrissait, on ne les laissait pas crever de faim comme du bétail. »
(Jonathan Littel, Les Bienveillantes, 2006)
Extrait 4:
" – Ah ! c'est atroce, mon Dieu !
Il se jeta à genoux contre son lit.
– Parle ! qu'as-tu mangé ? Réponds, au nom du ciel !
Et il la regardait avec des yeux d'une tendresse comme elle n'en avait jamais vu.
– Eh bien, là..., là !... dit-elle d'une voix défaillante.
Il bondit au secrétaire, brisa le cachet et lut tout haut : Qu'on n'accuse personne... Il s'arrêta, se passa la main sur les yeux, et relut encore.
– Comment !... Au secours ! à moi !
Et il ne pouvait que répéter ce mot : « Empoisonnée ! empoisonnée ! » Félicité courut chez Homais, qui l'exclama sur la place ; madame Lefrançois l'entendit au Lion d’or ; quelques-uns se levèrent pour l'apprendre à leurs voisins, et toute la nuit le village fut en éveil.
Éperdu, balbutiant, près de tomber, Charles tournait dans la chambre. Il se heurtait aux meubles, s'arrachait les cheveux, et jamais le pharmacien n'avait cru qu'il pût y avoir de si épouvantable spectacle.
Il revint chez lui pour écrire à M. Canivet et au docteur Larivière. Il perdait la tête ; il fit plus de quinze brouillons. Hippolyte partit à Neufchâtel, et Justin talonna si fort le cheval de Bovary, qu'il le laissa dans la côte du bois Guillaume, fourbu et aux trois quarts crevé.
Charles voulut feuilleter son dictionnaire de médecine ; il n'y voyait pas, les lignes dansaient.
– Du calme ! dit l'apothicaire. Il s'agit seulement d'administrer quelque puissant antidote. Quel est le poison ?
Charles montra la lettre. C'était de l'arsenic."
(Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1856)
Ce SDD va se faire en deux temps. Si vous souhaitez y participer, il est vraiment préférable que vous fassiez la première partie avant mardi soir minuit sonnante.
Voici les indications pour commencer:
1) Préparez votre plus beau stylo, et votre plus belle écriture
2) Sortez votre meilleur papier
3) Encrez le stylo avec votre plus belle encre, égouttez, faites chauffer vos neurones
4) Tenez le dans votre main habituelle
5) Changez de main le stylo
6) Sans entraînement, recopiez entre 5-10 lignes l'un des 4 extraits au bas de ce post.
7) Postez vos extraits (idéalement un scan).
8) Attendez la deuxième partie, elles seront données entre mardi soir/mercredi matin
Extrait n.1:
"C'est vrai, t'as raison en somme, que j'ai convenu, conciliant, mais enfin on est tous assis sur une grande galère, on rame tous à tour de bras, tu peux pas venir me dire le contraire !... Assis sur des clous même à tirer tout nous autres ! Et qu'est-ce qu'on en a ? Rien ! Des coups de trique seulement, des misères, des bobards et puis des vacheries encore. On travaille ! qu'ils disent. C'est ça encore qu'est plus infect que tout le reste, leur travail. On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignoles et puis voilà ! En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres et qui s'en font pas, avec des belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux. On nous fait monter sur le pont. Alors, ils mettent leurs chapeaux haut de forme et puis ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça : " Bandes de charognes, c'est la guerre ! qu'ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2, et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu'il faut à bord ! Tous en choeur ! Gueulez voir d'abord un bon coup et que ça tremble : " Vive la Patrie n° 1 ! " Qu'on vous entende de loin ! Celui qui gueulera le plus fort, il aura la médaille et la dragée du bon Jésus ! Nom de Dieu ! Et puis ceux qui ne voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre où c'est fait bien plus vite encore qu'ici ! "
(Voyage au Bout de la Nuit, Céline, 1932)
Extrait n.2:
LES FEMMES ET LE SECRET
Rien ne peſe tant qu’un ſecret :
Le porter loin eſt difficile aux Dames :
Et je ſçais meſme ſur ce fait
Bon nombre d’hommes qui ſont femmes.
Pour éprouver la ſienne un mari s’écria
La nuit eſtant prés d’elle : ô dieux ! qu’eſt-ce cela ?
Je n’en puis plus ; on me déchire ;
Quoy j’accouche d’un œuf ! d’un œuf ? oüy, le voila
Frais & nouveau pondu : gardez bien de le dire :
On m’appelleroit poule. Enfin n’en parlez pas.
La femme neuve ſur ce cas,
Ainſi que ſur mainte autre affaire,
Crut la choſe, & promit ſes grands dieux de ſe taire.
Mais ce ſerment s’évanoüit
Avec les ombres de la nuit.
L’épouſe indiſcrete & peu fine,
Sort du lit quand le jour fut à peine levé :
Et de courir chez ſa voiſine.
Ma commere, dit-elle, un cas eſt arrivé :
N’en dites rien ſur tout, car vous me feriez battre.
Mon mary vient de pondre un œuf gros comme quatre.
Au nom de Dieu gardez vous bien
D’aller publier ce myſtere.
Vous moquez-vous ? dit l’autre : Ah, vous ne ſçavez guere
Quelle je ſuis. Allez, ne craignez rien.
La femme du pondeur s’en retourne chez elle.
L’autre grille déja de conter la nouvelle :
Elle va la répandre en plus de dix endroits.
Au lieu d’un œuf elle en dit trois.
Ce n’eſt pas encor tout, car une autre commere
En dit quatre, & raconte à l’oreille le fait,
Precaution peu neceſſaire,
Car ce n’eſtoit plus un ſecret.
Comme le nombre d’œufs, grace à la renommée,
De bouche en bouche alloit croiſſant,
Avant la fin de la journée
Ils ſe montoient à plus d’un cent.
(Jean de la Fontaine, Fables, livre huitième, 1668-1694)
Extrait n.3:
« Blobel mit fin à l'Aktion quelques jours après le Nouvel An. On avait gardé plusieurs milliers de Juifs au KhTZ pour des travaux de force dans la ville; ils seraient fusillés plus tard. Nous venions d'apprendre que Blobel allait être remplacé. Lui-même le savait depuis des semaines, mais n'en avait rien dit. Il était d'ailleurs grand temps qu'il parte. Depuis son arrivée à Kharkov, il était devenu une loque nerveuse, en aussi mauvais état, presque, qu'à Lutsk : un moment, il nous réunissait pour s'extasier sur les derniers totaux cumulés du Sonderkommando, le suivant, il s'époumonait de rage, incohérent, pour une bêtise, une remarque de travers.
Un jour, début janvier, j'entrai dans son bureau pour lui porter un rapport de Woytinek. Sans me saluer, il me lança une feuille de papier «Regardez-moi cette merde.» Il était ivre, blanc de colère. Je pris la feuille : c'était un ordre du General von Manstein, le commandant de la 11e armée, en Crimée. « C'est votre patron Ohlendorf qui m'a transmis ça. Lisez, lisez. Vous voyez, là, en bas? Il est déshonorant que les officiers soient présents aux exécutions des Juifs. Déshonorant! Les enculés. Comme si ce qu'ils faisaient était honorable.., comme s'ils traitaient leurs prisonniers avec honneur!... J'ai fait la Grande Guerre, moi. Pendant la Grande Guerre on s'occupait des prisonniers, on les nourrissait, on ne les laissait pas crever de faim comme du bétail. »
(Jonathan Littel, Les Bienveillantes, 2006)
Extrait 4:
" – Ah ! c'est atroce, mon Dieu !
Il se jeta à genoux contre son lit.
– Parle ! qu'as-tu mangé ? Réponds, au nom du ciel !
Et il la regardait avec des yeux d'une tendresse comme elle n'en avait jamais vu.
– Eh bien, là..., là !... dit-elle d'une voix défaillante.
Il bondit au secrétaire, brisa le cachet et lut tout haut : Qu'on n'accuse personne... Il s'arrêta, se passa la main sur les yeux, et relut encore.
– Comment !... Au secours ! à moi !
Et il ne pouvait que répéter ce mot : « Empoisonnée ! empoisonnée ! » Félicité courut chez Homais, qui l'exclama sur la place ; madame Lefrançois l'entendit au Lion d’or ; quelques-uns se levèrent pour l'apprendre à leurs voisins, et toute la nuit le village fut en éveil.
Éperdu, balbutiant, près de tomber, Charles tournait dans la chambre. Il se heurtait aux meubles, s'arrachait les cheveux, et jamais le pharmacien n'avait cru qu'il pût y avoir de si épouvantable spectacle.
Il revint chez lui pour écrire à M. Canivet et au docteur Larivière. Il perdait la tête ; il fit plus de quinze brouillons. Hippolyte partit à Neufchâtel, et Justin talonna si fort le cheval de Bovary, qu'il le laissa dans la côte du bois Guillaume, fourbu et aux trois quarts crevé.
Charles voulut feuilleter son dictionnaire de médecine ; il n'y voyait pas, les lignes dansaient.
– Du calme ! dit l'apothicaire. Il s'agit seulement d'administrer quelque puissant antidote. Quel est le poison ?
Charles montra la lettre. C'était de l'arsenic."
(Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1856)