Cela fait un certain temps que, tapi dans l’ombre, je navigue en sous-marin dans cet excellent forum. J’ai mis longtemps à m’inscrire car j’avais tout à apprendre sur les stylos plumes et rien à apporter sinon des questions de débutant auxquelles vous aviez déjà répondu à de multiples reprises. Et puis je redoutais de passer l’étape du bizutage photo (malgré les explications de Libelle qui font référence mais qui me laissent perplexe).
Aujourd’hui, le sous-marin sort du bois et se risque à se présenter. J’ai déjà fait connaissance avec beaucoup d’entre vous en vous lisant au fil des mois mais c’est à sens unique. Cela n’est pas équitable. Comme je sais que vous aimez bien qu’on vous conte des histoires, alors je me lance.
Je suis un vieux débutant, né au milieu du siècle dernier. J’ai, comme certains d’entre vous, appris à écrire avec de l’encre violette et des plumes Sergent-Major. J’ai connu les encriers en faïence blancs, les blouses grises et le verre de lait chaud quotidien promu en 1954 par le Président du Conseil Pierre Mendès-France.
Le stylo plume étant interdit en classes primaires dans mon école, j’ai reçu mon premier, un Waterman Flash, pour mon entrée en sixième. Puis un second, le même en plus grand, pour ma communion. Je les ai utilisés quotidiennement avant d’adopter le stylo bille Bic cristal autorisé par à une circulaire officielle du 3 septembre 1965.
A cette époque, j’observais avec plaisir et intérêt mon père qui remplissait avec componction son Parker VS (au feed transparent) dans une bouteille d’encre bleu-noir puis a fait courir sur le papier la plume si particulière de son Waterman CF à cartouches. Mais je n’ai pratiquement plus utilisé un stylo plume jusqu’en 2015. J’ai retrouvé depuis, avec grande émotion, ces quatre stylos (mes Flash, le VS et le CF) que je conserve maintenant comme des « reliques » familiales.
Pendant mes études secondaires et supérieures puis mon activité professionnelle (botaniste, pour faire court) J’ai surtout utilisé des stylos billes, des feutres, des porte-mines (indispensables pour écrire « sur le terrain » les jours de pluie) et aussi des Rotring et Letraset avant de passer, « comme tout le monde », aux traitements de texte sur ordinateur.
Je suis un peu amateur de « vieilleries » collectées dans des brocantes : couteaux pliants régionaux ou de métiers, instruments scientifiques et objets d’écriture, livres anciens de botanique, ... dans la mesures où je ressens avec émotion qu’ils ont été produits et utilisés avec compétence et un peu d’amour.
Un dimanche matin blême (tatadam !!!), en fouillant un caisse de « drouille » (bricoles à trois euros pièce), je tombe sur un tube de métal noir , terreux, avec une « étoile » blanche à chaque bout et une plume jaune au milieu. C’est écrit « MONT BLANC GERMANY » sur le corps et « 750 » sur la plume. En dévissant le corps, je trouve une sorte de réservoir amovible marqué « Dunhill », un nom que je connais pour ses briquets et cigarettes. Ca ressemble à un gag, une sorte de chimère calamique (un frankenpen, si vous préférez). Ce n’est pas du tout le type de gros cigare noir à bagues dorées que l’on trouve dans tous les duty free des aéroports et dans les corners des grands magasins. Mais la plume est en or et le filetage du corps est long comme un confinement Covid 19. Ce stylo est manifestement de bonne qualité. J’ai envie d’en savoir plus. J’achète la bête puis une bouteille d’encre. La plume glisse avec beaucoup de douceur sur le papier. Pas de raté. En plus, le corps cylindrique du stylo est d’un diamètre approchant celui d’un stylo Bic. Je redécouvre le plaisir d’écrire avec un stylo plume. Mais est-ce un vrai Montblanc ? Je pourrais aller à la papeterie, à quelques rues de chez moi, qui vend ce type de stylos. Mais si c’est un faux, j’aurai l’air de quoi ? Me sera-t-il confisqué ? Je préfère consulter, sur Google, le site de la marque Montblanc, croyant, naïvement, trouver le nom et la description de tous les stylos produits par cette entreprise depuis sa création. Erreur de débutant ! J’achète dans une librairie le livre « Stylos plumes et crayons » édité chez H.F. Ullmann et emprunte les deux livres de la bibliothèque municipale de ma ville parlant de stylos (« La folie des stylos à plume » de J.M. Clark et « Stylos d’Hier et d’Aujourd’hui » d’A. Lambrou). Je découvre alors un monde qui m’était totalement inconnu et qui est, en fait, passionnant. Mais je ne retrouve pas, au premier abord, le stylo que j’ai acheté. Je cherche alors sur internet et je fini par le retrouver sur Ebay. Il s’agit du Montblanc Noblesse. Du coup, je vais le montrer à la papeterie qui confirme mon diagnostic en exhibant le même stylo (mais d’une vilaine couleur maronnasse).
Et je me mets à écumer les brocantes et vide greniers de mon secteur. J’achète, sans trop de discernement, un peu tout ce qui ressemble à un stylo plume. Ils sont souvent pas chers mais de piètre qualité. Ce n’est pas grave. Ce qui m’intéresse, c’est de retrouver des stylos présentés dans mes livres de référence, avoir en main des modèles « icôniques », des matières nouvelles, des types d’alimentation divers, des plumes de toutes sortes.... Ah, mon premier stylo en BCHR, mon premier safety en ébonite marbrée, mon premier Parker 51, mon premier Schaeffer (non ! Sheaffer, pardon Pollux !) à schnorkel et divers stylos « vintage » de marques françaises. J’achète aussi quelques stylos neufs (un Kaweco sport et un Lamy safari pas fragiles pour le terrain, un Parker duofold slim pour le bureau, …). Et je commence à prospecter sur Ebay, en observant prudemment son système de vente aux enchères que je ne connais pas. J’achète d’abord, en achat immédiat, un Aurora hastil, parent de mon Montblanc Noblesse.
Un dimanche, sur la plus grande brocante de ma région, au milieux de 500 exposants, je croise sur un stand un grand gaillard qui regarde des stylos, les prend en main, les étudie minutieusement et les repose presque tous. Il me donne l’impression d’être un bon connaisseur et je me risque à l’aborder. Il semble content de rencontrer un « jeune » amateur et me demande ce que j’ai acheté. Je sors mes trouvailles du jour (un Parker 75 godron plaqué argent made in France et un Wahl Eversharp d’un modèle que je ne reconnais pas). Il m’explique gentiment les particularités de ces stylos et me demande si je connais le forum « stylo-plume.org ». A ma réponse positive, il me dit avec un grand sourire , non pas « je suis ton Père », mais « Je suis Xof » et me donne sa carte de visite. Pendant un an, je continue à me documenter (beaucoup sur le forum) et je prospecte les brocantes. Et je vois sur Ebay un stylo pas cher qui me paraît sympathique avec une plume oblique, nouvelle pour moi. C’est un Sheaffer No Nonsense et il est vendu par Xof. En confiance, je me lance à participer aux enchères que je remporte (sans concurrence). Je rappelle à Xof que l’on s’était croisés, il y a un an et nous nous sommes donné rendez-vous sur la même brocante où il m’a offert un convertisseur pour mon Sheaffer et où je lui ai confié divers stylos à réviser. Depuis lors, je lui ai acheté pas mal de stylos, échangés de nombreux e-mails et j’ai eu le plaisir de venir le voir chez lui, au pays des rillettes (enfin l’autre car, pour moi, le vrai pays des rillettes, ce n’est pas Le Mans mais Tours), pour bénéficier de ses conseils experts et amicaux ... et repartir avec un Montblanc 146 à plume OB qui est un de mes stylos préférés.
J’aime beaucoup les stylos vintages à plume flex mais j’écris aussi souvent avec des stylos modernes dont les plumes ont une bonne glisse. Ce n’est pas la seule de mes contradictions. Je ne me sens pas tellement collectionneur au sens où je ne recherche pas spécialement des stylos en parfait état. J’utilise tous mes stylos et cela ne me dérange pas de les laisser dans leur état de découverte car ils témoignent ainsi d’un vécu (fabrication, usage par ses divers propriétaires antérieurs) plus ou moins fantasmé mais que je me plais à imaginer. Avec un Wahl Eversharp Doric, un Waterman 54 ou même un Parker 51, j’ai l’impression d’avoir comme des voitures de luxe de collection, ce qui s’est fait de meilleur dans leur genre à leur époque respective, pour un prix abordable et d’usage quotidien. Ils ne prennent pas de place et, une fois révisés, ne sont pas compliqués à vivre. J’avoue un gros faible pour les Wahl Eversharp mais aussi pour les Sheaffer, Waterman, Mabie Todd, Conway Stewart, De La Rue, Dunhill, Pelikan, Montblanc, Aurora, Omas, … J’ai aussi, récemment, à l’occasion des promotions d’A. Mora partant à la retraite, goûté aux stylos japonais que beaucoup d’entre vous affectionnent (Sailor 1911Simply Black plume MS et Professional Gear plume EF). Mais je ne connais rien aux encres et cahiers dont vous faites vos choux gras. Je dessine comme un pied, n’y connais rien en restauration, mes photos sont un peu floues (mais il y a eu pire, parait-il) et suis un grand feignant procrastinateur.
Enfin, je n’ai pas trop peur de me ruiner en achetant des stylos, toujours de façon réfléchie, mais je crains surtout de trop me passionner pour ce forum et d’y consacrer un temps déraisonnable.
Je compte sur vous, à le lecture des échanges passés, présents et futurs sur ce super forum regroupant des membres riches de connaissances, de bienveillance, d’humour (taquin), ... pour en apprendre encore et encore, faire de belles découvertes, échanger des informations et probablement développer des relations amicales.
Philibert
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