Réaction du celluloid et de l'ébonite à l'eau

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Taranis
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par Taranis »

totor50 a écrit : 11 janv. 2020 11:04 Très intéressante cette discussion.

Dans un autre fil on parle de l'ébonite et l'eau.
Je lis souvent qu'il ne faut SURTOUT pas mettre un corps en "caoutchouc dur" (Ebonite) dans l'eau....

Il y a une question qui me turlupine quand même (mais peut être que la réponse a été apportée ailleurs et si tel est le cas, acceptez par avance mes excuses de remettre cela sur le tapis) :

Les stylos Eyedropper en ébonite sont logiquement amenés à être au contact de l'encre qui elle même contient de l'eau... Vous me voyez venir? ;)

Il y a un traitement particulier dans le stylo pour éviter les désagréments de l'humidification qu'il va se produire en cet endroit? Si non, on peut en déduire que cela peut altérer la couche superficielle de la matière (située à l'intérieur) mais cela n'aura pas d'incidence sur l'intégrité de la matière en elle même (déformation, altération chimique, ...).

Donc, si cette dernière situation est vraie, le risque du fait de tremper un corps en ébonite décoloré vient surtout d'une altération ("oxydation") antérieure qui génère un aspect peu lisse (comme j'ai pu le constater sur quelques essais).

Le retour au noir brillant se faisant à l'huile de coude mais au détriment d'une épaisseur de cette couche superficielle altérée.

J'ai bien tout compris ? :?:
Je propose modestement, n'étant pas chimiste, un histoire de pH ? Celui des encres n'attaque pas l'ébonite / le celluloïd / la caséine à la différence de celui de l'eau.
Je dis une ânerie?
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par Hobiecat »

Pour moi, l'attaque de l'ébonite est en surface, mais pas en profondeur : on doit parler de centièmes de mm, voire moins. A l'extérieur, c'est surtout cosmétiquement que c'est gênant. A l'intérieur, même si l'ébonite est attaquée, ça n'aura aucune incidence.
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iroshizu
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par iroshizu »

J'ai un bel exemple de dégradation de l'ébonite qui montre un peu ce que ça peut faire.
C'est un stylo hachette's des éditions du même nom qui a fait ce genre de produit autour de 1925.
Ce stylo était noir comme le prouve la partie protégée par le capuchon
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Le soufre mélangé au caoutchouc est redevenu libre et s'est déposé en surface (en se séparant du caoutchouc) sous l'action de la lumière, de l'oxygène et de l'humidité (le bain dans l'eau n'est pas nécessaire). La lumière, l'oxygène et l'humidité suffisent pour lancer cette dégradation. Au bout de 100 ans environ ça se voit bien.

Pour me convaincre du fait que le stylo était bien noir j'ai poncé le culot (plat donc faisable sans créer des facettes). Les rayures visibles étaient antérieures à mon ponçage qui les a plutôt réduites.
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La couche n'était pas forcément si mince que ça.

On voit l'usure que provoque cette dégradation sur le guillochage pour ce qu'il en reste (le noir est plus de l'encre que de l'ébonite de mon point de vue).
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Je pense que l'intérieur du stylo, protégé par définition des UV (un peu comme sous le capuchon) souffre moins. Il est noir sur le stylo en question mais il est impossible de faire la part de l'effet de l'encre et du reste.

Conclusion: pas d'eau, pas de lumière, pas d'oxygène :). Si ces conditions sont difficiles à remplir, une petite couche d'huile régulière qui redonne un lustré et protège de l'humidité.
A conserver dans un tiroir, plus qu'en vitrine.

L'eau de Javel permettrait d'ôter le soufre. Je ferai le pas quand les conditions seront remplies. (ébonite dans cet état mais pas ce stylo que j'aime bien malgré son état de conservation).

Enfin un lien avec les musées du Canada (c'est en Français) sur la conservation de l'ébonite.
https://www.canada.ca/fr/institut-conse ... tique.html

NB. J'ignorais ces choses là il y a un mois. Je me construit une opinion grâce aux échanges sur ce forum. Merci à ceux qui m'ont aidé.
Modifié en dernier par iroshizu le 12 janv. 2020 09:40, modifié 1 fois.
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totor50
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par totor50 »

Merci pour ce retour. J'ai moi aussi un stylo de ce type hachette et je me demandais d'où il sortait ;)

Je ne savais pas que les deux noms étaient liés...
Visitez une partie de ma collection hétéroclite de stylos... Rdv sur www.cetout.net
Olorin
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par Olorin »

Taranis a écrit : 11 janv. 2020 11:12 Je propose modestement, n'étant pas chimiste, un histoire de pH ? Celui des encres n'attaque pas l'ébonite / le celluloïd / la caséine à la différence de celui de l'eau.
Je dis une ânerie?
Les encres couvrent une large gamme de pH, à peu près de 2 à 9, alors que l'eau propre est plutôt entre 6 et 7. L'eau fait perdre son éclat à l'ébonite, mais la décoloration est plutôt due à l'oxygène et aux rayons UV.
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iroshizu
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par iroshizu »

Quelques précisions sur Hachette (j'ai corrigé mon post d'origine sur les dates).
Vous avez ci dessous un extrait de l'annuaire du commerce Didot Bottin 1925 section stylographes. Certains de ses annuaires sont en accès libre digitaux sur la BnF et sont une petite mine d'information.
Les fabricants payaient pour s'inscrire ce qui n'en fait pas une liste complète. Par contre on peut suivre certaines aventures via l'existence ou non d'annonces en fonction des années. On voit la librairie Hachette listée comme fabricant de stylographes, déjà boulevard saint germain en 1925.
C'est d'autre part assez parisien même si ce n'était pas limitatif par nature.
Ceux qui cherchent des infos sur des marques peuvent télécharger les sections qui les intéressent depuis le site BnF.

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Modifié en dernier par iroshizu le 12 janv. 2020 10:10, modifié 1 fois.
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par iroshizu »

Pour revenir à l'ébonite, j'ai été surpris par la lecture d'annonces entre deux guerres parlant d'ébonite de bonne qualité (sous-entendu il y a de la mauvaise qualité).
En pratique l'ébonite est une marque déposée qui est devenue nom commun en France. Les anglais et allemands parlent de caoutchouc dur (hard rubber, je vous laisse chercher pour le germain sur lequel je bloque depuis ma tendre enfance mais j'ai vérifié).
L'ébonite (générique) est constituée de trois parties, caoutchouc, soufre et poudre magique/secrète qui améliore les performances mécaniques du résultat.
Ses qualités changent avec la proportion de soufre contenue et la poudre magique. Pour rester sur le soufre et de ce que j'ai trouvé dans la littérature on va de 25% à 40% et plus. Le soufre était beaucoup moins cher que le caoutchouc, en parallèle les qualités/défauts de l'ébonite se modifiaient avec le pourcentage de soufre.
Bien sûr la "bonne qualité" serait aux alentours de 30%. moins cassant, plus durable.
Je n'ai pas encore trouvé (je n'y passe pas ma vie non plus) les courbes des caractéristiques mécaniques classiques de l'ébonite (traction, rupture, flexion, facilité à travailler...) en fonction du pourcentage de soufre mais elles doivent exister car c'était parfaitement maîtrisé à cette époque pour les aciers.

On avait donc des ébonites pas chère (beaucoup de soufre) et des ébonites plus chères (la "bonne" quantité de soufre). Je n'ose pas imaginer les variations sur le caoutchouc lui même en tant que produit naturel mais il est probable qu'il y avait de meilleures origines que d'autres (comme le café).

J'imagine donc des grossistes en ébonite vendant x qualités à x prix. "Le prix s'oublie, la qualité reste" et je soupçonne des comportements très différents sur la durée en fonction de ce point de départ. Cela n'enlève rien aux considérations chimiques listées plus haut mais pourrait expliquer des dégradations plus fortes ou des ruptures rapides.

On peut établir l'équation marque réputée et chère = bonne qualité avec toujours quelques risques. Il est par contre certain que les stylos sans marque vendus à forte réduction à cette époque là sont faits avec de l'ébonite de qualité médiocre.
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par tab »

:thumbsup:
Très intéressant, iroshizu, merci pour les informations.
Cela me rappelle le celluloide de mauvaise qualité qui "cristallise", problème similaire qui a détruit de très beaux stylo de marque et même des chers!
Visconti (et surtout ses clients !) en aurait fait les frais il y a quelques années, avec un lot ancien de mauvaise matière première ... j'ai vu des images terrifiantes de carcasses de stylo dont on ne sait arrêter la décomposition :ko: ...

merci aussi pour l'idée de la BnF ;) , on n'y pense pas souvent mais c'est une source inépuisable !
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Re: les celluloïd sont-ils vraiment des chats?

Message par Shimaree »

Merci Iroshizu pour ces infos très intéressantes...
Au point que je me sens obligée de changer le titre du topic, si quelqu'un recherche ces renseignements...
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Re: Réaction du celluloid et de l'ébonite à l'eau

Message par iroshizu »

Merci à vous.
Le celluloïd me paraît être encore plus "variable" que l'ébonite.

La recherche esthétique qui accompagne la fabrication du celluloïd et qui permet soit des imitations parfaites de l'ivoire ou de la corne, soit de véritables enchantements suppose l'adjonction de beaucoup de produits colorants et autres. Il est possible/sûr que ces produits puissent provoquer des réactions indésirables sur la durée.

On a des noms "valise" ebonite, celluloïd et autres qui sont, au fond, des alliages de beaucoup de choses diverses sur un substrat biologique (caoutchouc ou cellulose) et qui se caractérisent globalement par des comportements et apparences similaires quand ils sont neufs.

Tous ne font pas des beaux vieillards.
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Re: Réaction du celluloid et de l'ébonite à l'eau

Message par silverado »

Finalement, le bon vieux plastoc baptisé - ou pas - "résine précieuse" n'est pas si mal... On ne peut que lui reprocher sa nature plébéienne...
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Re: Réaction du celluloid et de l'ébonite à l'eau

Message par jmcz »

a propos du celluloid:
il est fabriqué sous haute pression et haute temperature. ( mes restes d 'etude chimie en prepa). et j ai lu qq part qu'un peu comme le bois, il demande du temps (des mois ) pour revenir lentement de maniere stable à pression et temperature ambiante. si ce n est pas le cas, le materiau deja instable chimiquement le devient aussi mecaniquement, soumis a des tensions internes, le tout plus ou moins aggravé suivant les colorants chimiques et leur dosage,rendant le materiau encore moins homogene face aux tensions internes.

c est pour ca que les prototypes de vacumatic par exemple aux coloris non commercialises sont presque toujours a moitié desintegré , crystalisé ou fissuré massivement. pour un proto, pas besoin d attendre ces mois de stabilisation avant faire un go nogo commercialisation.
cette durée de maturation, synonyme de couts et le côté inflammable (tournage, polissage, sous jet eau) autre sujet de cout ont du signé sa perte face aux autres plastiques plus simples à industrialiser.
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Re: Réaction du celluloid et de l'ébonite à l'eau

Message par iroshizu »

silverado a écrit : 13 janv. 2020 20:33 Finalement, le bon vieux plastoc baptisé - ou pas - "résine précieuse" n'est pas si mal... On ne peut que lui reprocher sa nature plébéienne...
Avec une bonne couche urushi-e, ça reste acceptable :)
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