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Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 18 juil. 2014 17:13
par borelek
Le titre de ce fil me fait chaque fois penser au livre de J.M.G. Le Clézio l'extase matérielle . Honte à moi, je m'étais arrêté, il y a au moins vingt ans à la p. 104. Le chapitre suivant s'appelle écrire et commence ainsi :"Écrire, ça doit sûrement servir à quelque chose. Mais à quoi ? Ces petits signes tarabiscotés qui avancent tout seuls, presque tout seuls, qui couvrent le papier blanc, qui gravent sur les surfaces planes, qui dessinent l'avancée de la pensée. ..."

Bon, je crois que je vais lire la suite immédiatement.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 18 juil. 2014 17:24
par Goélande
borelek a écrit :Le titre de ce fil me fait chaque fois penser au livre de J.M.G. Le Clézio l'extase matérielle . Honte à moi, je m'étais arrêté, il y a au moins vingt ans à la p. 104. Le chapitre suivant s'appelle écrire et commence ainsi :"Écrire, ça doit sûrement servir à quelque chose. Mais à quoi ? Ces petits signes tarabiscotés qui avancent tout seuls, presque tout seuls, qui couvrent le papier blanc, qui gravent sur les surfaces planes, qui dessinent l'avancée de la pensée. ..."

Bon, je crois que je vais lire la suite immédiatement.
Lire, ça doit sûrement servir à quelque chose. Mais à quoi ? :P

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 18 juil. 2014 17:44
par Hobiecat
Goélande a écrit :Lire, ça doit sûrement servir à quelque chose. Mais à quoi ? :P
A lire des messages intéressants et/ou amusants sur un forum, non ?

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 18 juil. 2014 23:59
par Alain146
Extrait

Image

Je ne sais même pas si quelqu'un l'a dit avant moi !

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 19 juil. 2014 06:46
par Breizhexil
Si, moi.

Mais personne ne le sait!!!!

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 19 juil. 2014 07:28
par Goélande
"L'écriture n'est peut-être que l'ébauche du dessin", dis-tu Alain : alors ça, c'est bien une phrase de dessinateur...
Dans tout système idéogrammatique, par exemple, le dessin est l'ébauche de l'écriture.
Et puis n'avoir rien à dire n'a jamais empêché personne de parler ni d'écrire. La preuve... :lol:

Cela dit, l'absence de contenu du message rapproche en effet du bonheur matériel d'écrire ! Sinon, on est tout absorbé par le choix des mots.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 19 juil. 2014 11:26
par Alain146
Goélande a écrit :"L'écriture n'est peut-être que l'ébauche du dessin", dis-tu Alain : alors ça, c'est bien une phrase de dessinateur...
Dans tout système idéogrammatique, par exemple, le dessin est l'ébauche de l'écriture.
Et puis n'avoir rien à dire n'a jamais empêché personne de parler ni d'écrire. La preuve... :lol:

Cela dit, l'absence de contenu du message rapproche en effet du bonheur matériel d'écrire ! Sinon, on est tout absorbé par le choix des mots.

A mon grand étonnement tout ceci à suscité un grand débat ce matin sur la place Pestalozzi, au cœur du marché, les tables étaient animées. Comme il trainait par là quelques historiens, peintres , sculpteurs , libraires, les commentaires sont allés bon train, et te donnaient globalement raison Goélande....
Oui et d'ailleurs on dessinait dans les cavernes bien avant d'écrire..., Si c'est pour écrire n'importe quoi, on ferait mieux de se taire... , On a pas besoin de stylos pour ouvrir sa grande g..., Arrête d'écrire la bouche pleine... Quand les Bernois ont foutu dehors les Savoyards vous faisiez moins les malins !...Euh je ne vois pas le rapport ? C'est pas parce que ça n'a rien à voir qu'on ne peut pas le dire ! etc, etc..

Il me semble, en toute objectivité, que la palme revient à ma bouquiniste de compagne:

-L' écriture est l'ébauche du dessin !...
-Avec toi je me demande si ce n'est pas le dessin qui est la débauche de l'écriture...!

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 19 juil. 2014 11:47
par Hobiecat
Goélande a écrit :Cela dit, l'absence de contenu du message rapproche en effet du bonheur matériel d'écrire ! Sinon, on est tout absorbé par le choix des mots.
J'aime bien en particulier écrire ce qui me passe par la tête quand j'essaie un stylo, ce qui permet de profiter du plaisir d'écrire avec ce stylo/cette plume. Cela doit quelque part se rapprocher du bonheur matériel d'écrire ?
Alain146 a écrit :Il me semble, en toute objectivité, que la palme revient à ma bouquiniste de compagne:

-L' écriture est l'ébauche du dessin !...
-Avec toi je me demande si ce n'est pas le dessin qui est la débauche de l'écriture...!
Ah oui ! :mrgreen:

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 24 juil. 2014 16:08
par AD71
Nous sommes en 1917.

Le condamné hurlait à l'énoncé de la sentence, pleurait, rageait, levait parfois les mains au Ciel comme s'il se rappelait son catéchisme. Destinat (le procureur) ne le voyait déjà plus. Il serrait ses notes dans son portefeuille, quatre ou cinq feuilles de papier sur lesquelles il avait rédigé son réquisitoire avec cette petite écriture raffinée trempée dans l'encre violette, une poignée de mots choisis qui avaient le plus souvent fait frémir l'assistance et réfléchir les jurés quand ils ne dormaient pas. Quelques mots qui avaient suffi à bâtir un échafaud en deux temps trois mouvements, plus vite et plus sûrement que deux compagnons menuisiers en une semaine.
Philippe Claudel, les âmes grises.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 27 juil. 2014 02:32
par spoon31
borelek a écrit :
Goélande a écrit :Un "porte-plume réservoir" ? Traduction littérale, non ?
Il me semble avoir lu cette expression sous la plume d'un français de France. A vérifier ou à googeliser.
En Suisse* les gens disent une plume pour nos stylos-plume et une plume d'écolier pour les modèles les plus simples.

* généralisation peut-être abusive, par Suisse, lire de toute façon, Suisse romande et peut-être même canton de Vaud, voire Lausanne.
Voire ta rue Serge... :mdr:

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 27 juil. 2014 11:08
par emsiscrib
Alain146 a écrit :
Goélande a écrit :"L'écriture n'est peut-être que l'ébauche du dessin", dis-tu Alain : alors ça, c'est bien une phrase de dessinateur...
Dans tout système idéogrammatique, par exemple, le dessin est l'ébauche de l'écriture.
Et puis n'avoir rien à dire n'a jamais empêché personne de parler ni d'écrire. La preuve... :lol:

Cela dit, l'absence de contenu du message rapproche en effet du bonheur matériel d'écrire ! Sinon, on est tout absorbé par le choix des mots.

A mon grand étonnement tout ceci à suscité un grand débat ce matin sur la place Pestalozzi, au cœur du marché, les tables étaient animées. Comme il trainait par là quelques historiens, peintres , sculpteurs , libraires, les commentaires sont allés bon train, et te donnaient globalement raison Goélande....
Oui et d'ailleurs on dessinait dans les cavernes bien avant d'écrire..., Si c'est pour écrire n'importe quoi, on ferait mieux de se taire... , On a pas besoin de stylos pour ouvrir sa grande g..., Arrête d'écrire la bouche pleine... Quand les Bernois ont foutu dehors les Savoyards vous faisiez moins les malins !...Euh je ne vois pas le rapport ? C'est pas parce que ça n'a rien à voir qu'on ne peut pas le dire ! etc, etc..

Il me semble, en toute objectivité, que la palme revient à ma bouquiniste de compagne:

-L' écriture est l'ébauche du dessin !...
-Avec toi je me demande si ce n'est pas le dessin qui est la débauche de l'écriture...!

Hmm, intéressant tout çà !

C'est quand même pas parler pour rien dire ! :D

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 27 juil. 2014 13:50
par emsiscrib
AD71 a écrit :Nous sommes en 1917.

Le condamné hurlait à l'énoncé de la sentence, pleurait, rageait, levait parfois les mains au Ciel comme s'il se rappelait son catéchisme. Destinat (le procureur) ne le voyait déjà plus. Il serrait ses notes dans son portefeuille, quatre ou cinq feuilles de papier sur lesquelles il avait rédigé son réquisitoire avec cette petite écriture raffinée trempée dans l'encre violette, une poignée de mots choisis qui avaient le plus souvent fait frémir l'assistance et réfléchir les jurés quand ils ne dormaient pas. Quelques mots qui avaient suffi à bâtir un échafaud en deux temps trois mouvements, plus vite et plus sûrement que deux compagnons menuisiers en une semaine.
Philippe Claudel, les âmes grises.
Brrrr.... Ceci me rappelle l'anecdote du Pelikan Maudit du Juge Quintella ... ;)

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 27 juil. 2014 13:55
par emsiscrib
" Fabriquer de l'encre nécessitait de la sérénité... De la pureté... Même les gestes les plus simples, comme rincer un flacon ou placer des calames sur une étagère, méritaient le plus grand soin.
Lui, en tous cas, accomplissait chaque tâche de son travail dans le respect du détail le plus infime. Sa boutique consistait en deux pièces très petites. dans la première, qui donnait sur la rue, se trouvaient les flacons en attente d'être vendus, ainsi qu'une table d'écriture. Les ingrédients nécessaires à la fabrication étaient rangés dans la salle arrière. Concentrés de gomme arabique, extraits de seiche, cristaux d'alun, liants, tout était disposé selon un ordre précis. Une étagère portait les ustensiles nécessaires à la fabrication et une autre, les flacons vides.
Djelal partageait sa vie entre trois activités, dont chacune était essentielle : la fabrication d'encres, la prière et la danse.
En réalité, les trois choses ne faisaient qu'une.

(...)
Et surtout fabriquer leurs encres sans tricher ! Car des encres qui pâlissaient, il en voyait ! "Regarde quel bleu j'ai obtenu ! Regarde ce cramoisi ! Et ce vert ! " On entendait que ça, à la Mürekkeptchiler sokak *. Des vantards... Évidemment au début leurs encres étaient extraordinaires. Brillantes, fluides, magnifiques... Rien de plus facile ! Il suffisait de ne pas les mouiller à la pierre d'alun ! Bien sûr dix ou vingt ans plus tard, elels se défaisaient... Mais c'était après ! Ça ne les intéressaient pas...
Lui au contraire forçait sur la pierre d'alun, comme le lui avait enseigné son père. Ça rendait les encres ternes, bien sûr. Mais alors quel liant ! Quelle douceur sous le bec du calame ! En plus l'alun chassait les termites ! Ceux de la rue avaient beau se moquer de ses encres, elles étaient mates, c'est vrai, mais elles allaient tenir dix et vingt générations !

(...)
Et on pouvait lire ses encres aujourd'hui comme au premier jour ! Comme quand le calligraphe avait trempé son calame dans le flacon ! Et on pourrait les lire aussi bien dans mille ans ! "

* La rue des Fabricants-d'Encre

Metin Arditi
Le Turquetto

Actes Sud 2011, Babel, p.20-21.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 27 juil. 2014 18:40
par Foscari
Sur le "porte-plume réservoir", l'expression était tout à fait courante en ce lointain XXe siècle. On la trouve chez Simenon, Sabatier, Nadeau, Dac, etc. etc. Rien de plus ni rien de moins qu'un stylo-plume (et donc rien à voir avec le porte-plume que l'on trempe dans l'encre) tel que nous le connaissons et le désignons aujourd'hui. Image à l'appui.

Image

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 28 juil. 2014 20:59
par Jeandantony
Goélande a écrit :En pleine élaboration d'une proposition de correction pour le sujet de l'épreuve anticipée de Français (classe de 1ère L), je ne résiste pas au plaisir de partager cet extrait de Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. J'ai pensé qu'il pourrait inaugurer heureusement un sujet sur le bonheur matériel de l'écriture... Si vous croisez un texte qui l'évoque, n'hésitez pas à poursuivre la série que j'ai l'ambition d'engager :

"Les livres qu’il trouva épars dans les cabines avaient été tellement gâtés par l’eau de mer et de pluie que le texte imprimé s’en était effacé, mais il s’avisa qu’en faisant sécher au soleil ces pages blanches, il pourrait les utiliser pour tenir son journal, à condition de trouver un liquide pouvant tenir lieu d’encre. Ce liquide lui fut fourni inopinément par un poisson qui pullulait alors aux abords de la falaise du Levant. Le diodon, redouté pour sa mâchoire puissante et dentelée et pour les dards urticants qui hérissent son corps en cas d’alerte, a la curieuse faculté de se gonfler à volonté d’air et d’eau jusqu’à devenir rond comme une boule. L’air absorbé s’accumulant dans son ventre, il nage alors sur le dos sans paraître autrement incommodé par cette surprenante posture. En remuant avec un bâton l’un de ces poissons échoués sur le sable, Robinson avait remarqué que tout ce qui entrait en contact avec son ventre flasque ou distendu prenait une couleur rouge carminée extraordinairement tenace. Ayant pêché une grande quantité de ces poissons dont il goûtait la chair, délicate et ferme comme celle du poulet, il exprima dans un linge la matière fibreuse sécrétée par les pores de leur ventre et recueillit ainsi une teinture d’odeur fétide, mais d’un rouge admirable. Il se hâta alors de tailler convenablement une plume de vautour, et il pensa pleurer de joie en traçant ses premiers mots sur une feuille de papier. Il lui semblait soudain s’être à demi arraché à l’abîme de bestialité où il avait sombré et faire sa rentrée dans le monde de l’esprit en accomplissant cet acte sacré : écrire. Dès lors il ouvrit presque chaque jour son log-book pour y consigner, non les événements petits et grands de sa vie matérielle — il n’en avait cure — , mais ses méditations, l’évolution de sa vie intérieure, ou encore les souvenirs qui lui revenaient de son passé et les réflexions qu’ils lui inspiraient."
Je découvre cette jolie collection de textes, qui m'a fait passer de très bons moments. Mon préféré reste celui de Goélande; qui a été source immédiate d'inspiration.. Je voudrais toutefois émettre une mise en garde : pour les diodons, je me suis débrouillé avec mon poissonnier, ça m'a coûté la peau des fesses :ko: , et je ne suis pas certain que c'étaient des vrais, le rouge était un peu passé ...mais par contre, pour le vautour :roll: ... ça a été beaucoup plus problématique...On n'imagine pas comme c'est peu coopératif, ces gros zoziaux... Déjà qu'une oie, ce n'est pas de la tarte ... Bref, n'essayez pas à la maison !

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 29 juil. 2014 18:49
par borelek
C'est étrange à quel point je me sens intérieurement vide dès que je cesse de tenir la plume

René Berger dans un carnet non publié 23 août 1952

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 29 juil. 2014 20:15
par AD71
Encore dans "Les âmes grises", de Philippe Claudel, le narrateur s'interroge sur les carnets qu'il remplit de son témoignage sur l'Affaire.
A quoi sert tout ce que j'écris, ces lignes serrées comme des oies en hiver et ces mots que je couds en n'y voyant rien ?
Un peu plus loin...
C'est douloureux d'écrire. Je m'en rends compte depuis des mois que je m'y suis mis. Ça fait mal à la main, et à l'âme. L'homme n'est pas fait pour ce travail, et puis, à quoi ça sert ? A quoi ça me sert ?
Quelques lignes plus tard, il répond :
Ecrire me fait vivre à deux.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 29 juil. 2014 20:51
par Hobiecat
AD71 a écrit :Ecrire me fait vivre à deux.
Que voilà une belle définition ! Merci AD71 pour le partage.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 29 juil. 2014 20:57
par borelek
Hobiecat a écrit :
AD71 a écrit :Ecrire me fait vivre à deux.
Que voilà une belle définition ! Merci AD71 pour le partage.
En effet, joli et poétique, mais cachez vite ça avant que ma femme me supprime tous mes stylos.

Re: Ce bonheur matériel d'écrire...

Posté : 29 juil. 2014 21:49
par Alain146
borelek a écrit :
Hobiecat a écrit :
AD71 a écrit :Ecrire me fait vivre à deux.
Que voilà une belle définition ! Merci AD71 pour le partage.

En effet, joli et poétique, mais cachez vite ça avant que ma femme me supprime tous mes stylos.

:D C'est très mignon !