Raconter ses « Moments d’écriture »

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loic
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Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par loic »

Voici quelques temps que ce forum apporte sa moisson d’informations techniques, des appréciations sur les modèles, les lieux de vente, les prix et bien d’autres choses encore…

Dans cette masse d’informations qui structurent le forum et créent son intérêt, il est apparu ça et là des petites perles d’ articles, au premier regard décalées, mais pourtant très riches.

Ces articles légers évoquent plus l’environnement de l’écriture : vous y parlez de lieux d’écriture, de stylos adaptés à ces lieux , à votre personnalité et surtout du plaisir qu’est le vôtre.

Le dernier article en date, « Si je devais en garder, euuuuuhh, vingt ? :-)», serpente autour d’idées très différentes : en partant d’un top 20 très bien argumenté ( !), vous en arrivez à publier des avis très différents sur la vision du luxe propre à chacun, mais vous effleurez aussi la notion de Moments d’écriture.
Bluebird a écrit :bon alors on va dire que l'histoire commence à minuit , 800 GMT ...
nocturnes, délicieux Pelikan puis le Crocker pour le lever du soleil ....
what a glorious way of spending the night and entering the day ... :)
ou encore,
jpeg a écrit : Si je ne devais en garder qu'un qui rassemblerait les quatre choses, ce serait un Pelikan assurément, en espérant que le naufrage ait porté à la côte une caisse d'encre. Un 100N, le gris ou un des tortoise 100N ou 101N, ou encore pourquoi pas le M800. Je serais tranquille pour écrire à ma belle des lettres qu'on trouverait à côté de mon squelette nettoyé par les goëlands :-)
Pour la beauté pure, le Doric. Aventures dans le Pacifique, biplan qui se plante, 20 ans de solitude, lettres à la belle, il serait parfait dans le casting.
Pour la beauté encore, le Crocker. Fragile, les Lettres à Lou en tête, la crainte tous les jours qu'il ne s'abîme, plus rien pour écrire un matin, tailler un calame et écrire avec du sang de lapin sauvage attrapé à la course...
Je n'hésite pas un instant à emporter un stylo délicat dans mon sac à dos, à défaut de biplan. Ce sont d'abord des outils, je les emporte sans crainte dans un sac à dos ou d'épaule, pour de longues marches ou simplement de l'écriture dans les cafés. Le fétichisme a des limites.
Pour des notes rapides en marchant dans la journée, j'ai aussi un feutre pour être honnête ! Un Capless serait parfait ici.
Jimmy
Mais aussi,
jimbo a écrit :Si conditions un peu extrêmes, par exemple montagne donc froid et humidité, ce sera Fisher et carnet Rite in the rain... ce sont des carnets avec papier imperméable... donc interdit aux plumes.
Sinon, pas de lieu stylographiquement correct: j'adorerais sortir un stylo top haut de gamme lors d'une rando.
Ou alors,
Moskva a écrit :Desole de repartir en arriere d'une digression mais je me posais justement la question du choix d'un stylo en voyage... prochain voyage a la fin de l'annee, encore la Thailande mais avec un peu de Cambodge pour changer (le prochain sera le Japon, je ne me laisserai pas faire une fois de plus par la dame...). C'est un des rares moments ou je prends bien le temps et aussi le plaisir d'ecrire dans mes petits carnets de voyage ; le contenu est certainement futile mais cela me permet de me poser un peu, de preference avec un verre et eventuellement un cigare, et de prendre du recul pour mieux apprecier cette chance.
Il y avait eu aussi des tentatives sur le forum pour publier des textes, avec photos à l’appui.

Idée du lundi soir (ou du mardi matin) >>

Difficile quand même de se lancer quand on a pas le talent des écrivains et hommes célèbres cités dans le fil de Tumulus ( ici >> ), même si l’on possède les mêmes instruments.

Mais décrire un moment d’écriture, c’est quelque chose qui appartient à tout le monde, et qui donne du sens à nos quêtes (infinies !) de stylos : en partant de la technique et du modèle, on en arrive à définir un usage ou des usages, donc un environnement associé à cet usage. Et cet environnement d’écriture touche nécessairement à ce que nous sommes : le stylo devient le prolongement de notre âme et appartient à la magie de l’instant ; la marque commerciale s’efface. Chaque nouveau moment contribue à faire disparaître les artifices de la standardisation pour apporter une patine de valeurs personnelles, de moments vécus et de lieux rencontrés, d’émotions. Un Pelikan, un Sailor ou un Waterman ne sera plus tout à fait le même objet après ces différents moments. Ce n’est pas un hasard non plus si certains de mes clients m’ont fait part de leur souhait de léguer à leur fils ou fille leur stylo-plume. Car, plus que tout autre objet, il est porteur de ces messages secrets et invisibles de moments vécus, de mots écrits. C’est sûrement l’un des instruments les plus proches de notre personnalité ; il relie notre monde des idées au monde des autres.

J’aimerais beaucoup, mais peut-être que je nage en pleine utopie furieuse, découvrir, comme cela a été déjà un peu traité, vos moments d’écriture. Que ce soit au travail, dans le train, en voyage en randonnée, au bord d’un lac près de chez vous, ou au bord de la rivière des Perles !

Je peux éventuellement commencer par mon petit cheminement personnel en matière d’écriture et de moments associés ? (Non… !!!!!) Tant pis Si !!!!

J’ai « découvert » les menus plaisirs de l’écriture, en extérieur d’abord. Avec un Critérium ! Les sorties botaniques nécessitaient de faire des croquis (il n’y avait pas le numérique), de prendre des notes. Cela m’a beaucoup plu d’écrire dans la nature. Je trouve que les idées y sont plus fluides.

Après un long cheminement dont je vous fais grâce, j’en arrive aujourd’hui à de tous petits écrits : je me suis confectionné un « petit carnet de moments », et je fais la collection de ces instants agréables. Au début, il s’agissait d’écrits un peu longs. Aujourd’hui, je prends presque plus de plaisir à décrire le lieu, la scène et l’impression générale que cela me procure. Chaque moment d’écriture est associé à une photo (dans la mesure du possible car il m’arrive aussi d’en écrire dans le train où dans des lieux où la photo n’est pas permise). Je note le plus souvent et très simplement, avec une plume épaisse type Music, le lieu l’heure et le contexte ; je note ensuite en quelques phrases la magie du moment avec une plume fine ou médium.

En relisant et en regardant les photos associées à ces moments, je me rends compte que quelques mots suffisent à retranscrire la sensation vécue à l’instant T… Voilà, je suis devenu chasseur de moments ! Dans l’art de cette « chasse aux moments », il y a beaucoup de progrès personnels à réaliser. Je pense aux maîtres japonais du Haïku >>
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jpeg »

C'est un bien joli sujet, merci Loïc, comment ne pas succomber à la tentation ? Dans la ligne de votre "Chasse aux moments", d'autres moments d'écriture, pas toujours au stylo à plume. Au début, feutres Sign ou Tempo. Plumes Waterman ou Sheaffer Imperial plus tard. Tradio souvent. Vieux Pelikan ou vieux Montblanc la plupart du temps depuis quelques années. On s'en tape.

A 11 ans, le soir en pension. Les aventures écrites avec Bruno, mon ami. Qu'est-il devenu, Bruno au poil noir ? Ca, c'était écrit au Visor pen de la sixième.

C'était il y a quarante ans, j'en avais quinze, j'étais parti seul en auto-stop en Italie. Musette de l'armée en bandoulière et cheveux longs, The times they are a-changin'. La première nuit sur une colline de Rome dans un hôtel sordide, les cris d'amour dans la chambre à côté, notant chaque seconde du jour passé à marcher. Jamais sentiment de liberté ne fut plus intense.

Quelques jours auparavant, sur une route d'Emilie-Romagne. Couché sous un arbre, dans le bruit léger d'une fontaine, écrivant, tendant paresseusement le pouce. Une Morgan s'arrête pour repartir aussitôt dans un grand éclat de rire de la conductrice, qui se retourne pour me faire un bras d'honneur. La Morgan se plante dans un arbre. Gnarf !

En 72 ou 73. Belfast. Petit catholique égaré dans Shankill road, écrivant dans les pubs. Ca craignait un peu. La Chaussée des géants pour se reposer, les rochers du Donegal plus tard, en stop toujours, la même musette et les mêmes feutres noirs.

Retour en Italie. En stop encore, sur une petite route de l'Adriatique, vers Ancône. C'est le soir. J'écris sur le bord de la route, attendant les voitures. Des gamins me jettent des pierres. Je remballe sac et carnet. Je dormirai avec quatre gamins tête-bêche dans un lit, après un frugal dîner de charcuterie. Comme je me souviens de l'hospitalité de la dame à onze heures du soir.

En 74, comme une partie de l'Europe, au Portugal. Grandola Vila Morena. Des pages de notes sur les rencontres dans les rues de Porto. Vingt ans plus tard, retour dans les ruelles de Lisbonne et les rades à musique la nuit. Longues marches dans la ville. Ecrire le soir dans la chambre de la pension de famille à azulejos bleus dans les couloirs. Dantec - le premier polar, le seul dont je garde un agréable souvenir - et Pessoa - bien sûr - dans le sac. Dans le train qui allait vers la mer, je me souviens que j'écrivais en traversant les banlieues.

Ecrire une lettre tous les soirs dans une chambre mal chauffée du Pays de Galles. J'aime les chauffages du Royaume-Uni : ça rougeoie comme l'enfer, ça souffle, ça s'essoufle, ça crache, ça ahâne, ça clongue, ça fait des bruits de locomotive... et ça ne chauffe rien du tout. Chevaux dans les estuaires. Copier le menu dans un restaurant.

Ecrivant une longue lettre, assis sur un muret de pierre dans la cour d'une chapelle désaffectée en Balagne. Une pomme, le goût de sang de la lame au carbone de l'Opinel dans la bouche.

En Corse encore, recopiant la merveilleuse inscription parlant des morts et de la Toussaint sur une pierre tombale au pied d'une autre chapelle. Partageant contre mon gré mon déjeûner de saucisson corse, de pain et de tomates avec une truie sauvage entreprenante.

En Corse toujours. Sur les traces du très beau livre de Culioli, dans le cimetière de Chera, où, très ému, j'avais l'impression de retrouver toute ma famille. A l'entrée du cimetière, la tombe du jeune frère suicidé de l'écrivain. Epitaphe à pleurer. Photos au 6x6 et à la chambre à soufflet en bois, Bashô dans le sac, comme souvent.

Une semaine à marcher dans une île à l'ouest, marchant, photographiant, notant toute la journée, courant après la lumière sans cesse changeante, notant tout, couleurs, détails, odeur du vent, impressions, souvenirs, éclats des phares, noms sur les stèles, menu de l'hôtel, goût et prix du vin, paroles entendues. Nichant dans les rochers au-dessus des grands courants de marée, à l'abri du vent. Le sac Domke en grosse toile a depuis bien longtemps remplacé la musette militaire à l'épaule. Celui-ci, dernier d'une longue lignée, est bleu marine. Mettant les notes au propre à l'ordinateur le soir dans la chambre jaune de l'hôtel. Lisant durant des heures la nuit Kenneth White et le Quatuor. Attendant.

Recopiant la dernière extraordinaire lettre du Prince Sirik Matak à l'ambassadeur américain John Gunther Dean, en date du 12 avril 1975, citée dans le très beau livre de photographies de Bill Burke "Autrefois, maison privée". Quelques heures après, le Prince était éxécuté par les Khmers rouges qui entraient à Phnomh Penh. Cette fois-là, je m'en souviens, c'était au Sailor Susutake dans un cahier violet.

Dans les mêmes moments, recopiant au Susutake encore un bout d'un poème d'Ondaatje sur le Sri-Lanka.

Tenant un journal photographique, une photo par jour, petite contrainte, commentant au stylo à plume à l'encre brune ou au Tradio.

Ecrire la nuit des lettres à l'encre verte, main et esprit libres et déliés parfois, main tendue à d'autres, dans la lumière jaune. Ô mes vieux Pelikan...

Il pourrait y en avoir tellement d'autres sans se fatiguer à chercher...

Jimmy
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julien
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par julien »

Quel plaisir de vous lire, Loïc et Jimmy. Je viens de passer un moment délicieux en compagnie de vos souvenirs :)
Merci.
jpeg
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jpeg »

C'est Loïc qu'il faut remercier pour l'idée de ce fil qui pourrait être bien joli.

Pour le plaisir, le début du poème d'Ondaatje :

"Pour être enterrés en temps de guerre,
par un climat rigoureux, dans la mousson
des couteaux et des pieux."

In "Ecrits à la main", Editions de l'Olivier, 2000.

Et la dernière lettre d'un homme courageux. Je l'avais traduite quelque part, mais je ne sais plus où.

"Dear Excellency and friend,

I thank you very sincerely for your letter and for your offer to transport me towards freedom. I cannot, alas, leave in a such cowardly fashion. As for you and in particularly for your great country, I never believed for a moment that you would have this sentiment of abandoning a people which has chosen liberty. You have refused us your protection and we can do nothing about it. You leave and it is my wish that you and your country will find happiness under the sky. But mark it well that, if I shall die here on the spot and in my country that I love, it is too bad and we all are born and must die one day. I have only commited the mistake of believing in you, the Americans. Please accept, Excellency, my dear friend, my faithful and friendly sentiments.

Sirik Matak"

Le lettre à l'ambassadeur américain date du 12 avril 1975. Matak refusa l'offre d'évacuation. Quelques jours plus tard, les Khmers rouges entraient dans Phnom Penh. Matak, qui s'était réfugié à l'ambassade de France, fut exécuté presqu'aussitôt. On pense ce qu'on veut du triste régime de Matak et Lon Nol, mais c'est là la lettre d'un homme courageux.

Cité en ouverture de "Autrefois, maison privée", de Bill Burke, powerHouse books, NY, 2004. Un très beau livre sur l'architecture coloniale de l'ancienne Indochine.

J
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Moskva
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par Moskva »

Vous placez la barre trop haute, personne ne va suivre ;)

La traduction de la lettre :

http://www.khmerairforce.com/AAK-KAF/P- ... L-REF.html

J'apporterai ma modeste reponse plus tard... les invites sont la :?
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Poor
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par Poor »

Moskva a écrit :Vous placez la barre trop haute, personne ne va suivre ;)
C'est bon je suis largué
mais c'est beau alors continuez...
Le cigare est le complément indispensable à toute vie oisive et élégante. "George Sand"
petizan
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par petizan »

Moskva a écrit :Vous placez la barre trop haute, personne ne va suivre ;)
Poor a écrit :C'est bon je suis largué mais c'est beau alors continuez...
Chiche que…? ;)

Aller-Retour des moments d'écriture…
Comme tout un chacun, j'ai commencé les doigts bleutés à l'encre scolaire, puis suis passé à l'orange Bic en chapeau noir bleu, rouge et vert, j'ai jonglé avec les 4 en 1, ces gros cigares armés en quatre couleurs (me souviens d'un magique qu'il suffisait d'orienter pour écrire à la couleur désirée !), et avec des critériums crantés dont un déguisé en stylo-bille, j'ai aussi barbouillé tout mon soûl avec des palettes de feutres en pochette plastique pour arriver enfin aux stylos plumes, fournis avec l'inévitable envie d'ECRIRE…
et, dans l'ordre d'apparition à l'écran, un Schaeffer période communion, des Waterman à deux balles, un Parker de science-fiction, et la rafale des Montblanc comme neige (et angoisse de page) avec lesquels, entre études diverses et occupations variées, je traçais un titre au cordeau sur la première page et guère plus sur la deuxième.
Puis un jour, les prémisses d'un vrai travail, une idée suivie, poussée à coups de Bic cristal bleu en boîte de 50 au long d'un épais cahier de brouillon, ses pages découpées en trois parties horizontales afin d'avoir sous les yeux la dernière version du paragraphe en cours sans avoir à tourner la page, des centaines d'heures pour un premier manuscrit tapé, envoyé aux maisons d'édition et sitôt renvoyé.
A partir de là, l'ordi me prit la main dans le clavier et modifia mon texte : apparence, forme, style, organisés désormais dans le cadre stricte de l'écran, un outil débarrassé (quoique) du plaisir distrayant mais parfois narcissique d'écrire… avec l'étrange impression de m'éloigner de la forme rêvée et idéalisée de l'écriture pour approcher le fond du sujet écrit.
Enième version jusqu'à un deuxième envoi accepté. Je garde à jamais au bout des doigts le souple toucher du manuscrit dans son impeccable noir et blanc, calibré au format éditorial. Heureux comme un poisson dans l'eau, j'ai pêché vite fait deux stylos-poisson de la marque Pylone (pieusement conservés) pour corriger à la main… et aussitôt, le plaisir intact, irremplaçable de l'interligne qu'on annote, margine en rouge ou noir, du mot qu'on rature, re et re jusqu'à l'illisible comme un magnifique palimpseste abstrait.
Depuis, j'ai privilégié cette méthode : ordinateur pour l'ensemble des versions, puis les stylos pour les corrections… jusqu'à un accident récent et une paire de béquilles qui m'a obligé à alléger mon paquetage. Carnet Moleskine (couverture souple) en poche, et la dernière plume rescapée de ma distraction (un Montblanc trentenaire), je me suis lancé (plutôt à tâtons) dans la rédaction d'un premier jet a mano, charmé par le tracé jaillissant sous l'or de la plume, ébloui par les phrases qui décoraient ma page comme les guirlandes d'un sapin de Noël… où j'aurais dû les accrocher plutôt que les coucher sur papier, façon : Miroir mon beau miroir… si le ramage ne se rapporte pas à votre plumage… Circulez !
Heureusement, la perte du Montblanc en question sur la table d'un bistro (évoquée dans un précédent post) est venue me délivrer du rôle de Père Noël à plume. Je l'ai cru… avant de tomber dans le forum et ses effets pervers : Sailor 1911, Parker 45 et Pelikan Lizard, augmenté d'un superbe Capless moutarde, cadeau d'un copain agitateur d'idées.
Cerné ! Fichu, puisque j'étais incapable de garder mon sang froid devant des tubes de celluloïd, frétillant comme des gardons et chargés ras la gueule d'alphabets plus ou moins connus.
Comment ça ! j'en fais des histoires pour de simples stylos ? Pas des stylos, monsieur ! des griots au pouvoir sans limite, eux-mêmes surgis d'un passé secret, capables eux de faire des histoires d'un rien comme d'en colporter tout un tas ?
Ouais… qui sait… mais comment sortir de ce traquenard ?
Entrer dans la première papeterie, choisir au hasard d'anonymes produits dérivés pétroliers gorgés d'un liquide insipide ?
En bon pitbull, j'ai persévéré. Chaque jour, la bande des 4 stylos me suit pas à pas. Elle a déjà connu de nombreux cafés, bancs publics, cafétéria de musées ou bars d'hôtels, il s'en trouve toujours un qui répond dans l'instant à la demande, qui se fond dans l'environnement ou au contraire s'en empare.
Le matin, le Lizard prend son temps avec le premier café, tôt dehors il observe la rue calme, ses trottoirs cirés aux jets d'eau de voirie, me rapporte à l'encre vert olive un événement oublié de la veille, ou va piquer du bec une scène in vivo qu'il me déposera tout cru dans le mien, puis selon l'humeur, il se glissera dans le grand cahier Moleskine pour s'attaquer au chapitre de la veille, ou bien m'abandonnera dans les pages du journal de bord.
Le Sailor prendra alors le relais, table d'angle, le monde allant et venant derrière la vitre pour quelques heures de traversée plus ou moins agitée, l'encre bleue stabilisant l'histoire tant bien que mal sur la page, entre tangage, roulis; et l'estomac en vrac…
Midi ! L'heure du Capless et du Parker qui vont griffer et recoudre (ce qui semblait pourtant sans bavure une heure avant) au rouge ou brun, le camouflage idéal des points de sauce tomate et des virgules aux Coteaux du Languedoc.
Et pour remettre un peu d'ordre dans ce bordel coloré, la sainte lumière de l'ordi veillera sur l'après-midi du bon pêcheur, les mains jointes sur son clavier avant de les emmêler en cherchant un nom de D… de b… de m… de œ tombé dans l'eau !
Et en attendant que ça sèche… pourquoi pas un petit tour sur le forum ;) ?
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timanu
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par timanu »

c'est si beaux que je n'ose y ajouter quelque chose de peur de tout gacher

merveilleux moments passés en votre compagnie

merci

E.
jpeg
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jpeg »

Pour le petit plaisir de relire ça :
petizan a écrit :... frétillant comme des gardons et chargés ras la gueule d'alphabets plus ou moins connus. [...] Pas des stylos, monsieur ! des griots au pouvoir sans limite, eux-mêmes surgis d'un passé secret, capables eux de faire des histoires d'un rien comme d'en colporter tout un tas ?
Chiche © qu'on en lit d'autres ?

J
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loic
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par loic »

Alors là, j'en reste scotché de plaisir ! Pour le coup, la barre est très haute maintenant. Merci pour ces moments de lecture délicieux ! :)
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par petizan »

timanu a écrit :c'est si beaux que je n'ose y ajouter quelque chose de peur de tout gacher.
Merci, mais… au contraire, racontez aussi, il n'y a rien à gâcher dès lors qu'on fait partager une émotion… n'hésitez pas ;)
jpeg a écrit :Pour le petit plaisir de relire ça…Chiche © qu'on en lit d'autres ?J
très touché Jimmy, de la part d'un fin plumier tel que toi… mais bien sûr, chiche que “qui s'y colle” ? ;)
loic a écrit :Alors là, j'en reste scotché de plaisir ! Pour le coup, la barre est très haute maintenant. Merci pour ces moments de lecture délicieux ! :)
Merci Loïc, mais mes amis… surtout pas de barres hautes ou basses, mais des échanges sincères comme j'en ai lus bon nombre dans le forum sur tant de sujets… quelques phrases ou paragraphes, qu'importe … c'est là toute la belle et bonne idée de Loïc de nous donner des pistes que l'on peut emprunter à notre convenance, parce qu'en fait : ne disons-nous pas tous la même chose dès lors qu'on tente d'expliquer nos émotions ? ;)
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jimbo »

Cela n'empêche pas que certains n'auront pas les envolées aussi liriques et que lorsque la barre est haute, cela dissuade de se lancer même si ce n'est pas un concours.
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jpeg »

"La barre haute" n'était qu'une expression sous la plume de Loïc. Comme vous dites, il n'est pas question de concours, seulement du petit plaisir d'alterner avec des fils plus techniques ou plus commerciaux.

Jimmy
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par petizan »

jimbo a écrit :Cela n'empêche pas que certains n'auront pas les envolées aussi liriques et que lorsque la barre est haute, cela dissuade de se lancer même si ce n'est pas un concours.
pas du tout… cf plus haut… je dis exactement le contraire, une phrase, un paragraphe, des impressions… il se trouve que j'avais du temps et que j'ai lâché l'encre, rien de plus, désolé que ça vous laisse cette impression. :oops:
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julien
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par julien »

Petizan… MERCI !
Aujourd'hui, je passe une vraie journée de m****e, et grâce à ton très très joli texte, elle finira beaucoup beaucoup mieux :)
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loic
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par loic »

Pardon pour mon expression malheureuse : mais la barre étant très haute, on peut maintenant passer allègrement dessous sans complexes ni états d'âme. Je crois moi aussi que ce qui compte c'est vraiment de voir un peu comment chacun se retrouve dans ses moments d'écriture.

Ce qui me semble intéressant, c'est d'échanger un peu sur vos impressions et sur ce qui déclenche les moments où vous avez envie d'écrire : pas nécessairement d'écrire ou de mettre en ligne ce que vous écrivez dans ces moments là. D'ailleurs, je m'en suis bien gardé !!!

A bientôt.
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par julien »

Allez, j'vais m'empresser de vous descendre tout ça plus bas que le niveau d'la mer ;)
Sans surprise, mes premiers souvenirs sont, comme tout le monde, ceux d'un écolier pas bien studieux, qui prenait à l'arrache des notes dans une graphie déplorable. Je me suis bien essayé aux poèmes, avec un tout meugnon Parker metallique, mais quand je comparais mes bafouilles aux vers du sieur Baudelaire, des larmes d'impuissance venaient polluer mes feuilles carrelées. J'ai vite abandonné.
Mon orientation professionnelle m'a fait découvrir qu'un bout de fusain était bien plus à l'aise dans ma main. Exit donc, plumes et papiers ligné, bonjour taches de peinture acrylique et doigts colorés.
Pendant pas mal d'années, rien, pas une ligne. Et puis, l'envie est revenue. C'est à l'ordinateur que j'ai donné mes premiers mots, m'essayant aux histoires pour enfants. Un éditeur un peu timbré, forcement, à même été assez déraisonnable pour en faire un livre.
mais de stylo, niet, pas besoin.
C'est le boulot qui me fera tomber dans l'encre. Quoi de plus ennuyeux qu'une réunion, et des réu, j'en bouffe, alors pourquoi ne pas y trouver une source de plaisir.
Avec une belle plume, une ineptie a toujours l'air un peu plus intelligente. Les stylos me servent donc, maintenant, à offrir quelques neurones supplémentaires et un peu d'élégance à de splendides platitudes. Plus les phrases sont creuses plus je m'enfonce dans la contemplation des lignes tracées, une vraie libération.
Au train ou vont les choses, je ne suis pas prêt de baisser ma consommation stylographique, ils sont nombreux à m'y pousser :)
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timanu
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par timanu »

Julien ayant choisi le niveau de la mer je vais donc tenter les sous sols.

Mon plus vieux souvenir de plaisir d'écriture remonte mes 9 ans je pense où l'on m'avait offert un waterman facette en chrome et à plume en or découverte (il existait en plume capotée mais je trouvais que ça faisait fille!) l'éclat du métal me fascinait et je m'en servais avec fierté et délice (un côté bling bling avant la mode peut être!)

Les années collèges furent marquées par une tres grande inconstance de couleurs une cartouche bleu puis turquoise puis marron puis noir puis violette bref des cahiers arc en ciel et les stylos fantaisies qui vont avec. J'ai cependant un souvenir assez précis d'un stylo Sailor en plastique avec des schtroumphs dessus et un corps transparent dont l'encre violette étaient magnifique. Je ne sais pas si Sailor fait toujours cette couleur vraiment profonde et réussie. Le lycée la fac un CF et le tour est joué, puis la vie professionnelle m'a imposé le bille. Un parker 75 en argent que j'ai toujours bille large parfait.

Le gout de l'écriture à l'encre m'est revenu petit à petit j'avais rangé cette attachement aux stylos plume avec l'adolescence et c'est revenu comme un boomrang ! Une histoire d'amour et un cahier sur lequel on s'écrit ce que l'on n'ose ou ne veut ou ne peut se dire. Et là, choisir le stylo, la couleur, l'endroit, s'installer et laisser son coeur parler. Un CF rempli en noir et c'est la vérité, un edacoto bijou en "Poussière de lune" = tu me manques, un joli parker Duofold rempli en "rouge opéra" pour parler de passion, ou du "Lotus bleu" parfumé pour parler d'exotisme et de voyages. Un nuage et un peu de vert pour l'espoir ...

Le cahier n'est pas complètement plein, il a été remplacé par des Post it "Peux tu acheter du pain", je t'aime est devenu bisous mais la passion pour les stylos est resté aussi forte, l'envie d'écrire à l'autre aussi, mais le quotidien a freiné ces envies, on se parle, on vit ensemble on se fait rire et la vie continue ...ensemble

Les stylos constituent un vrai cadeau à l'autre peut être toujours ce besoin de s'écrire. Je garde en tout cas tres précieusement ce petit stylo, offert, en plaqué or et plume or de Waterman un modèle de poche qui s'est avéré être un Lady et son foureau en cuir beige au cas où !
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jimbo
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par jimbo »

Je vais aller à contre sens alors: je n'ai pas vraiment de souvenir d'écriture... sauf les lignes de lettres quand j'apprenais à écrire il y a quelques décennies ou quand je reproduisais ce que le prof écrivait par la suite, ou encore quand je peinais le soir pour faire ou finir la copie à rendre le lendemain (des Waterman tout métal ont du passer en série entre mes mains), bref, pas de bon souvenir d'écriture, pas de stylo qui fasse battre mon coeur.

Je ne suis pas un littéraire et si j'ai du plaisir à écrire, ce n'est pas pour la création mais pour le geste, l'évasion et la sérénité qui va avec.
Je n'ai pas une belle écriture non plus et ce n'est donc pas l'esthétique qui sera intéressante non plus.
Ni le fond, ni la forme donc. ;)

Finalement, mon moment d'écriture le plus important est celui des notes que je prends au quotidien, une liste de courses, un pense bête, des calculs plus ou moins scientifiques, des idées ou aides photographiques, un jeu d'arabesques ou de courbes celtiques, etc. Du coup, ce ne sont que des stylos utiles dont je me souviens: ceux qui sont attachés à mon porte clé ou à mon sac à dos, celui qui trainait sur le bureau d'un collègue et que j'ai emprunté, le truc publicitaire immonde qu'on m'aura donné 10 minutes avant et qui sera égaré ou à la poubelle dans quelques jours, bref, celui qui m'a accompagné au moment ou j'en avais besoin.

A côté, le plaisir du stylo se manifeste aussi dans le fait d'utiliser un bel outil. Après tout, nul besoin d'être un grand sculpteur pour savoir apprécier un bon burin. Et dans cet exercice, j'ai plaisir à avoir un beau stylo pour faire des choses superflues au quotidien.
Modifié en dernier par jimbo le 08 déc. 2009 20:00, modifié 1 fois.
petizan
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Re: Raconter ses « Moments d’écriture »

Message par petizan »

julien a écrit :C'est le boulot qui me fera tomber dans l'encre. Quoi de plus ennuyeux qu'une réunion, et des réu, j'en bouffe, alors pourquoi ne pas y trouver une source de plaisir…
Au train ou vont les choses, je ne suis pas prêt de baisser ma consommation stylographique, ils sont nombreux à m'y pousser :)
Bravo, Julien, c'est vrai que le “plaisir” est un accélérateur de neurones…
et comme tu as raison : pourquoi s'ennuyer quand un brin de jugeote et de curiosité (plus ton réjouissant humour) permet de s'amuser des mêmes choses ? Etrange n'est-ce pas le rôle de l'ordi qui éloigne un moment de l'écriture au stylo avant de nous y ramener… ravi de te lire… et de savoir que tu ne vas pas t'arrêter de sitôt :P
loic a écrit :Pardon pour mon expression malheureuse :
…ce qui me semble intéressant, c'est d'échanger un peu sur vos impressions et sur ce qui déclenche les moments où vous avez envie d'écrire
Loïc, l'expression n'était aucunement malheureuse… la piste de cette rubrique était clairement exprimée : partage d'expériences, de souvenirs, de moments, merci de la diversité des rubriques… j'ai beaucoup aimé l'idée de votre “carnet photographique” au stylo…
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