A propos de deux Nakaya.

[MarcG]

Il neige aujourd'hui à Nîmes, Leibniz, sinon je vous aurais bien envoyé un petit coin de ciel bleu couleur locale - y a-t-il une encre qui imite cette couleur fabuleuse des jours de Mistral ?

Pour revenir sur les instruments de musique, je souscris complètement à ce qui a été écrit par François et Jimmy, au moins du point de vue de l'utilisation et pour ce que j'en perçois - je ne suis pas grand connaisseur de stylos. La différence, peut-être, se situe en revanche au niveau de la fabrication: on ne sait pas aujourd'hui exactement pourquoi un Strad a cette qualité de son. Alors que, s'il y a des gens capables de retailler des plumes sur mesure en fonction de ce qu'on veut, de la façon dont on tient son stylo, etc. c'est qu'ils maitrisent parfaitement les tenants et les aboutissants. Bon, heureusement, il y a des luthiers qui maîtrisent aussi aujourd'hui, mais la reproductibilité n'est pas la même, bois oblige.

Pour revenir aux stylos et à ce parallèle, il y a un test courant en lutherie depuis le XIXe siècle, c'est le test d'écoute "en aveugle" : un musicien joue le même morceau sur plusieurs instruments sans les avoir vu avant, et les auditeurs jugent l'instrument sans savoir duquel il s'agit. Il y a eu de nombreux cas où un instrument moderne a été préféré par rapport à un instrument crémonais du XVIIIe. Mais on pourrait imaginer de faire la même chose avec des stylos. Bon, je sais, il faut voir ce qu'on écrit, mais après tout peu importe si c'est lisible, chacun pourrait aussi essayer ça chez lui : écrire les yeux fermés pour mieux sentir la plume. C'est fou ce que les autres sens (en particulier le sens tactile) s'expriment mieux dès qu'on empêche de voir.

Bon alors, il nous faut un virtuose du stylo pour ce test. Qui s'y colle ?

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Mais ça ne marche pas, ton test : comme tu dis, il faut voir ce qu'on écrit ! Comme ne marcherait pas un test "à la sourde" d'un violon, où on n'entendrait pas l'instrument ! C'est aussi le regard qui permet de sentir et qui corrige.

Cela dit, ces tests à l'aveugle font forcément (heureusement) intervenir la culture et les habitudes de celui qui écoute. Ne va-t-on pas préférer ce qu'on connaît et qu'on a entendu lentement évoluer, ne va-t-on pas tenir compte de l'évolution du jeu ? Peut-on entendre seulement le son "pur" de l'instrument ? Je ne crois pas.

L'émission de radio dont je parlais était fascinante. C'était la première fois où j'entendais de telles merveilles réunies, je ne sais plus, il devait y en avoir sept ou huit, avec comme limite entre autres le fait que le musicien ne connaissait pas la plus grande partie des instruments, qu'il aurait fallu les lui confier quelques années . On a envie que ça dure des heures, au bout d'un petit moment, on entend bien quelques différences, et on se dit qu'on a l'oreille bien grossière !

Les plumes n'ont évidemment pas grand chose à voir, c'était un parallèle laborieux. Si les nibmeisters, pour reprendre l'appellation courante, ont une incroyable subtilité dans la lecture des plumes et dans la manière de tailler et d'adapter à la main du client, surtout quand ils le voient écrire, il n'y a quand même plus de fabrication de ces petits bouts de métal. Binder disait un jour qu'il savait faire de belles flexibles à partir de bouts de bois modernes (j'adapte librement ), mais qu'il ne faisait qu'approcher les qualités des anciennes flexibles (là, je n'adapte pas !).

Jimmy

[MarcG]

Oui, c'est un peu tiré par les cheveux, Jimmy, tu as raison. Mais c'était pour essayer de poursuivre le parallèle. En fait, je trouve amusant de lire des choses et des attitudes assez similaires à propos des plumes et des violons, y compris de la part des grands "maîtres" actuels, luthiers ou tailleurs de plumes.

Un mot d'un luthier français actuel, je ne sais plus qui, à propos de Stradivari : "Il n'y a pas de mystère, il y a maîtrise. Et c'est beaucoup plus beau."
Je suis assez fasciné par ce que tu écris sur les capacités des meilleurs nibmeisters actuels, je dois dire.